Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
204
ÉTIENNE DOLET

qui découvrit le premier la cause de cette inimitié, et il appela l’attention sur une lettre de Scaliger à Arnoul Le Ferron écrite immédiatement après la publication du dialogue et dans laquelle Scaliger fait voir combien son amour-propre avait été blessé par cet ouvrage[1]. « Je suppose, » dit-il, « que vous avez vu le dialogue de Dolet contre Érasme, l’auteur a eu l’impudence, lorsque mes ouvrages s’imprimaient, de me voler, de donner à mon discours un autre tour et de l’orner de son clinquant[2]. On y voit les mêmes extravagances que dans ses harangues, le style en est un peu moins rude, c’est vrai, mais il le doit à un autre, si bien que sa loquacité semble être soutenue plutôt par les mots qu’il a pris aux autres et qu’il a arrangés que par de solides arguments. Mais vous direz qu’il loue César[3]; c’est juste, on dit que vous lui en avez donné le conseil pour qu’il pût sauvegarder sa réputation, car il a déjà, d’une façon téméraire et stupide, tourné en ridicule le nom italien. Vous lui avez fait savoir aussi que je préparais un dialogue dans lequel je révélais son caractère méchant et son orgueil creux, sa pétulance et sa sottise, son inconvenance et sa loquacité, ses expressions outrées et son impudence. Il a voulu m’amadouer dans l’intention de me faire changer d’avis, et il m’a loué de façon à montrer qu’il est plutôt disposé à suivre le jugement des autres qu’à exprimer le sien. Aussi j’ai résolu que lui et les autres se repentiraient à l’avenir de leur colère et de leur

  1. La plus grande partie de cette lettre, ainsi que les autres lettres contre Érasme, furent supprimées par Joseph Scaliger, et ne furent point publiées dans le recueil de lettres de son père imprimé de son vivant, ni dans les éditions postérieures fondées sur celle-ci. Le président de Maussac en découvrit cependant des copies à Toulouse, et les publia en 1621. Puis Schelhorn trouva d’autres copies dans la bibliothèque de Z. C. von Uffenbach, et les fit imprimer dans ses Amœnitates literariæ (vol. 6 et 8), sans connaître l’édition de Maussac.
  2. C’est là une accusation nullement fondée. Le discours de Scaliger et le dialogue de Dolet n’ont rien de commun que les attaques contre Érasme ; Dolet n’emprunta à Scaliger ni son développement, ni son style, ni ses idées.
  3. Voici les termes mêmes de Dolet : « Julium Cæsarem Scaligerum tibi hic objecerim, virum Ciceronis lectioni multum deditum, in quo grammaticæ subsidia non desideres, dicendi facultatem laudes.»