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ÉTIENNE DOLET

de la Renaissance, celle de Vida, de Sannazar ou de Paleario, par exemple, ne sont pas dépourvus d’une certaine grandeur de pensée et d’une certaine élégance de langage ; et personne ne trouvera à redire à Gruter pour avoir fait figurer plusieurs pièces de Dolet, parmi les Deliciœ poetarum Gallorum ; et parmi celles qu’il a laissées de côté, il y en a plus d’une qui est supérieure aux poèmes de quelques-uns des auteurs qui sont compris dans ce recueil. L’ode sur la mort de Simon Villanovanus suffirait à elle seule pour montrer tout ce qu’il y a d’injuste et de déraisonnable dans le jugement de Scaliger cité plus bas, jugement écrit, nous sommes peiné de le rappeler, après que les flammes eurent consumé le corps de Dolet, alors que toute inimitié littéraire aurait dû disparaître. Mais la violence de Scaliger devient de la brutalité quand il insulte à la mémoire du malheureux poète et qu’il se fait une arme de son destin. « Dolet peut être appelé le chancre ou l’ulcère (carcinoma out vomica) des Muses. Car, outre que dans un si grand corps, comme le dit Catulle[1], il n’y a pas un grain de sel, tout sot qu’il est, il se pose en autocrate de la poésie. Il a enchâssé à sa façon les perles de Virgile dans sa résine avec l’intention évidente de les faire passer pour siennes. C’est un méchant rabâcheur qui, en se servant de lambeaux de Cicéron, a composé certaines mauvaises orationes, comme il appelle ses discours, mais que les érudits traitent de latrationes. Il s’est imaginé aussi qu’il avait le droit de s’emparer librement des œuvres du divin Virgile. C’est ainsi que, pendant qu’il chantait les destinées de François, ce roi excellent et illustre, son nom eut la destinée qu’il méritait, et que seul l’athée subit le supplice de la flamme que Dolet et ses vers méritaient. Toutefois les flammes ne le purifièrent pas, c’est plutôt lui qui les souilla. Pourquoi parlerai-je des immondices qu’on trouve dans l’évier ou dans l’égoût de ses épigrammes ? Elles sont ternes, froides et écrites

  1. Nulla in tanto magno est corpore mica salis.