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CHAP. XI. — LES COMMENTAIRES

truction de la littérature et des hommes de lettres, ont voulu dans notre temps supprimer et anéantir l’exercice de l’art typographique. Ils ont voulu ! dis-je, mais ils ont fait plus : ils ont usé de toute leur influence auprès du roi de France, François de Valois lui-même, le gardien, le protecteur, le plus cher défenseur de la littérature et des hommes de lettres pour obtenir de lui un décret qui supprimât l’imprimerie. Ils ont pris pour prétexte que la littérature servait à propager l’hérésie luthérienne, et que la typographie soutenait ainsi cette cause. Race insensée d’imbéciles ! Comme si les armes étaient mauvaises ou destructives par elles-mêmes et comme si, parce qu’elles blessent et tuent, il fallait en défendre l’usage aux hommes bons qui se défendent eux-mêmes et défendent leur pays ; seuls les méchants se servent des armes pour leurs mauvais desseins. Aussi s’il existe des gens qui, stupidement curieux ou factieux, propagent quelque erreur au moyen des presses, qui donc voudrait déclarer, à cause de cela, que l’imprimerie doit être supprimée ; l’imprimerie qui n’a en soi rien de pernicieux et qui, plus que toute autre chose, est absolument nécessaire pour célébrer la gloire des hommes et fonder leur réputation ? « Ce complot abominable et méchant des sophistes et des ivrognes de la Sorbonne a été réduit à néant grâce à la sagesse et à la prudence de Guillaume Budé, la lumière de son siècle, et grâce à Jean Du Bellay, évèque de Paris, homme aussi remarquable par son haut rang que par sa valeur personnelle[1] ».

Dolet toutefois, comme tous les autres écrivains, ignorait que l’édit avait été réellement promulgué par «le gardien, le protecteur, le plus cher défenseur de la littérature », édit qui permet de donner en toute justice a François Ier , comme le fait remarquer M. Crapelet, le nom de proscripteur plutôt que celui de promoteur de la littérature. Mais bien qu’aucun de ces édits ne lut jamais mis en vigueur, Dolet ne put obtenir

  1. Com. I, 266.