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CHAP. XI. — LES COMMENTAIRES

de Marguerite de Valois, auprès de laquelle il était attaché comme valet de chambre, était de nature à le protéger tant qu’il ne se compromettrait pas ouvertement. La publication du Cymbalutn mundi 1537-38) fournit à la Sorbonne et au Parlement (ou plutôt au premier président) une arme contre lui. Dans ces dialogues vifs et mordants, qui avaient l’air de ne faire parler que des divinités païennes, il n’était pas difficile de découvrir les sarcasmes voilés qui allaient à l’adresse de la théologie chrétienne. La Sorbonne déclara que le livre était plein de blasphèmes et d’impiétés. Le Parlement, à l’instigation de son premier président, Pierre Lizet, fit mettre en prison Jean Morin, l’imprimeur, et fit brûler tous les exemplaires de l’ouvrage qu’on put trouver ; cet auto-da-fé fut fait avec tant de bonheur qu’on ne connaît aujourd’hui qu’un seul exemplaire de l’édition originale[1].

Aussitôt que le premier volume des Commentaires fut achevé et retranscrit, Dolet commença à le faire imprimer afin qu’il fût prêt à paraître dès que le privilège du roi serait accordé. Un grand volume in-folio contenant dix-sept cent huit colonnes de caractères serrés ne pouvait être imprimé en quelques semaines, et comme l’on parlait souvent de l’arrivée prochaine du roi à Lyon, l’auteur espérait, sans nul doute, que ce serait là une occasion favorable pour obtenir, par l’entremise de Lyonnais influents, la permission qu’il attendait. Depuis près de trente ans le gouvernement de Lyon avait confié successivement aux membres d’une famille milanaise distinguée, dans laquelle on comptait des commandants militaires et des administrateurs civils remarquables, mais connus surtout par leur amour pour la littérature et par la protection et le secours qu’ils n’avaient jamais cessé

  1. Cet exemplaire est maintenant à la bibliothèque publique de Versailles. Il fut vendu 350 Francs à la vente Gaignat (1769) — n° 2528 — ; l'acquéreur était duc de la Vallière, à la vente duquel en 1783 (n°4408) le livre ne dépassa pas 120 francs. La seconde édition parut à Lyon en 1538. Elle est aussi extrêmement rare.