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ÉTIENNE DOLET

dire et aurait dit, s’il avait été un Français du dix-septième ou du dix-huitième siècle, plutôt que de rendre les mots mêmes dudit auteur aussi exactement que la différence des deux langages pouvait le permettre. L’ouvrage de Dolet était un heureux compromis entre l’exactitude trop précise de quelques-unes des premières traductions françaises et ces paraphrases délayées qui furent à la mode un siècle plus tard ; et nous croyons pouvoir dire sans hésitation qu’aucune traduction française d’aucun auteur latin publiée jusqu’alors ne peut être comparée à celle de Dolet au point de vue de la fidélité, de l’érudition, ou du style[1]. Cette traduction des Épîtres Familiaires devint bientôt populaire et à juste titre, et pendant près d’un siècle, elle fut la traduction la plus en vogue. Elle fut réimprimée au moins trente-deux fois[2], et la traduction de Simon Bernard, publiée en 1677 et réimprimée plusieurs fois, est plutôt une adaptation de celle de Dolet accommodée au goût du siècle, qu’une œuvre personnelle.

L’entreprise du malheureux Dolet, toutefois, ne lui fit pas gagner beaucoup d’argent et n’accrut que faiblement sa réputation. L’impression de l’ouvrage fut terminée le 28 avril 1542 ; trois mois après Dolet était jeté en prison et le reste de sa

  1. Ce n’est peut-être pas beaucoup vanter cette traduction que de dire cela. Le style en est souvent confus et il n’est jamais élégant. Dolet n’était certainement pas cicéronien dans ses ouvrages français. Toutefois je ne sais si le jugement de M. Haag (La France Protestante. Première édit., art. Dolet) n’est pas trop sévère : « Le succès qu’a obtenu cette traduction est sans doute un témoignage incontestable de son mérite, mais ne prouve rien néanmoins quant à son élégance. La lecture en est on ne peut plus fatigante.... Rien de moins familier que le style de Dolet.»
  2. J’ai vu vingt-quatre de ces éditions et dans l’appendice je donne une liste de trente-quatre éditions en indiquant où elles se trouvent. Brunet, dans sa dernière édition, n’a pu en indiquer que huit. Pas moins de quatorze éditions furent publiées dans les sept années qui suivirent la publication du livre. Dolet ne traduisit que les lettres écrites par Ciceron. François de Belleforest, en 156l, donna la traduction des épîtres adressées à Cicéron et celle de quelques lettres de compliments omises par Dolet. Treize éditions comportent ces additions. La plus récente que j’aie vue est l’édition de Rouen, 1624, mais Née de la Rochelle en note une de 1630.