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ÉTIENNE DOLET

sainte et la théorie de l’inspiration divine ; comment dire alors pourquoi les Épîtres de Barnabas et de Clément n’ont pas l’autorité de celles de Jude et de Jacques, et pourquoi le troisième et le quatrième livre d’Esdras sont relégués parmi les écrits apocryphes, tandis que le Cantique des Cantiques et le livre d’Esther font partie des livres canoniques ?

Que l’Église fût infaillible, ni Dolet ni la plupart des esprits sérieux de son temps ne le croyaient, mais Dolet ne pouvait guère croire non plus que Luther ou Calvin fussent infaillibles, et il ne devait probablement pas apprécier beaucoup les raisons sur lesquelles ils se fondaient l’un et l’autre pour déclarer que l’inspiration divine des saintes Écritures était absolument différente de l’inspiration d’Augustin, de Jérôme ou de Cicéron. La religion qui se recommandait à Dolet, chose presque inévitable pour tous les penseurs de cette époque également incapables d’accepter l’autorité de l’Église ou les théories arbitraires des réformateurs, était la religion naturelle, religion qui pour ces penseurs comprenait les devoirs de l’homme en ce monde et qui ne s’inquiétait nullement de l’avenir, car, suivant eux, c’était là un problème dont on ne pouvait rien savoir avec certitude soit par le raisonnement, soit par les spéculations. «La religion naturelle», dit l’un des plus habiles écrivains[1] de nos jours en parlant d’une époque postérieure d’un siècle et demi, «peut sembler un refuge qui ne nous offre que peu de sécurité et peu de consolation ; mais pour le grand nombre de ceux qui n’ont entendu parler que d’une religion intimement liée à la Bulle Unigenitus, aux billets de confession, à quelque acte d’intolérance ou de cruauté, aux naïves discussions sur la grâce et aux cinq propositions, la religion naturelle que Shaftesbury enseigna en prose et que Pope mit en vers, fut comme l’aurore après l’obscurité de la nuit. » Et cela est encore plus vrai de la religion du seizième siècle, alors que les actes d’intolérance et de cruauté étaient plus

  1. John Morley : Fortnightly Review, 1875, p. 493.