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ÉTIENNE DOLET

autres professeurs de cette célèbre université ; il ne parle pourtant que de son « cher maître ».

Au commencement de 1530 les relations amicales de Dolet et de Simon Villanovanus furent interrompues par la mort de ce dernier — il avait trente-cinq ans. Son ami et élève composa pour lui l’épitaphe suivante qui ne manque pas d’élégance et qui, comme nous le dit La Monnoye[1], fut gravée sur une plaque de bronze :

 
Salve lector,
Et animam hue paulum adverte.
Quod miserum mortales ducunt,

    Villeneuve semblent concluantes : c’est que ce dernier n’était pas un contemporain de Rabelais, et qu’au moins une fois dans sa vie il « songea ». Il est vrai que De L’Aulnaye (un des commentateurs de Rabelais, auquel on doit beaucoup, malgré ses fantaisies), toujours désireux de faire étalage de connaissances aux dépens de son maître, croit que le passage de La Monnoye prouve que Rabelais était dans l’erreur. Mais les deux autres arguments de La Monnoye n’ont aucun poids. Rabelais, heureusement pour nous, n’a pas vécu au dix-huitième siècle, alors que seuls les demi-savants avaient quelque crédit, et que le dilettantisme de M. Ménage était plus apprécié que la science profonde d’un siècle qui n’avait connu ni l’Académie, ni le Grand Monarque. On ne peut donner à aucun écrivain d’aucun siècle l’épithète de savant avec plus de justesse qu’à Arnold de Villeneuve. De plus, on ne croit pas généralement qu’il fut Espagnol. Il se peut que Villanova (Catalogne) fût son lieu de naissance, mais il parait plus certain qu’il était de Villeneuve, près Montpellier. — N’oublions pas d’ajouter que le village de Provence du même nom le réclame aussi comme un de ses enfants. Lorsque des docteurs et pères pantagruéliques, qui ont consacré toute leur vie à l’étude de Rabelais, expriment un doute, il serait présomptueux de ma part de vouloir trancher la question ; mais je ne suis pas d’accord avec M. Burgaud des Marets et Rathery, qui, dans l’une des plus récentes éditions de Rabelais (Didot, Paris 1870) et, selon moi (pace M. Jannet), la meilleure édition offerte aux lecteurs ordinaires, croient que Simon Villanovanus ne pourrait être désigné à cause de l’épithète de Belga que lui donne Pierre Bunel, et qui, d’après eux, montre qu’il n’était pas Français. Mais un homme né dans n’importe quelle partie de la France, au nord de la Seine, l’Artois, par exemple, la Picardie, ou le nord de la Champagne (Ardennes), passait pour (Belga) auprès de tout écrivain quasi classique du seizième siècle. Dans la lettre de Longueuil citée plus haut, Simon passe pour : Gallus, mot qui désigne un homme né dans n’importe quelle partie comprise entre le Rhin et les Pyrénées. M. Hurgaud des Marets et Rathery oublient que Longueuil lui-même — si fréquemment appelé Gallus par les latinistes français du seizième siècle — était né à Liège.

  1. Menagiana, t. III, p. 491.