Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/194

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qui peut s’appliquer à tout autre, ou même à celui qui parle, comme dans ce cas :

C’est un malheur que de se marier. — Et vous avez pris une seconde femme !

On a tort également, lorsqu’on ne présente qu’une défense banale, telle que celle-ci : « » C’est « la colère qui l’a rendu coupable, ou bien la jeuvesse, ou l’amour. » Car de semblables excuses, si on les admettait, laisseraient les plus grands crimes impunis. C’est encore un défaut de prendre pour certain ce dont tout le monde n’est pas d’accord, et ce qui est encore en litige ; par exemple :

Ne sais-tu pas, toi, que les dieux, dont la puissance gouverne les cieux et les enfers, entretiennent dans l’Olympe la paix et la concorde ?

C’est un exemple que, de son autorité privée, Ennius met dans la bouche de Cresphonte, comme si, par des raisons assez fortes, il avait déjà démontré la vérité de ce point. C’est une mauvaise excuse que de dire que l’on a reconnu sa faute trop tard, et quand elle était déjà commise, comme celle-ci : « Si j’y avais réfléchis, Romains, je n’aurais pas laissé la chose en venir à ce point ; car, j’aurais fait ceci ou cela ; mais je n’y ai pas songé dans le moment. » C’est mal se défendre aussi, quand il s’agit d’un crime avéré, que de se rejeter sur quelque léger service ; par exemple :

Lorsque tout le monde vous recherchait, je vous ai laissé sur le trône le plus florissant : maintenant que vous êtes abandonné de tous, seule, au prix des plus grands périls, je me prépare à vous y replacer.

XXVI. Il ne faut pas non plus dire une chose qui peut être prise dans un autre sens que celui qu’on veut lui donner ; comme le seraient, par exemple, dans la bouche d’un homme puissant et factieux ces mots adressés au peuple : « Il vaut mieux obéir à des souverains qu’à de mauvaises lois. » Car cette pensée, bien qu’elle puisse ne présenter qu’un développement sans intention coupable, donne prise à un grave soupçon, si l’orateur est puissant. C’est un tort également d’employer des définitions fausses ou vulgaires. Elles sont fausses, si l’on dit, par exemple : « Qu’il n’y a point d’injure sans voie de fait, ou sans paroles outrageantes. » Vulgaires, si l’on peut les appliquer également bien à une autre chose ; par exemple : « Le délateur, pour le peindre d’un trait, est un homme digne de mort ; car c’est un méchant et un dangereux citoyen. » Car ce n’est pas plus la définition d’un délateur que celle d’un brigand, d’un assassin, ou d’un traître. Il ne convient pas non plus de citer en preuve ce qui est encore en discussion ; comme dans le cas où un homme en accusant un autre de vol, dirait : « C’est un méchant, un avare, un trompeur, et ce qui le prouve, c’est qu’il m’a volé. » Il ne faut pas non plus résoudre une question par ce qui ferait la matière d’une autre ; par exemple : « Vous ne devez pas, censeurs, lui faire grâce, en considération de ce qu’il n’a pu, vous dit-il, se présenter au jour où il avait promis par serment de le faire. Car s’il ne se fût pas rendu à l’armée, donnerait-il cette excuse au tribun des soldats ? » Cette argumentation est d’autant plus vicieuse, qu’elle produit, comme exemple, une chose qui n’est ni incon-