Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le crime qu’on poursuit n’est point ordinaire, mais unique, infâme, atroce, inouï, et qu’il appelle une vengeance d’autant plus prompte et plus terrible. Le neuvième sert à établir une comparaison entre les délits : on établit, par exemple, que c’est un plus grand crime d’attenter à l’honneur d’une femme libre, que de piller un temple ; parce que l’un peut naître du besoin, et que l’autre prouve l’absence de tout frein dans la passion. Le dixième lieu commun, expose toutes les circonstances qui accompagnent et qui suivent un fait avec tant de vigueur, tant de soin, d’adresse et de vérité, que l’auditeur semble voir revivre l’action elle-même.

XXXI. On excite la compassion dans l’âme de l’auditeur, en rappelant les vicissitudes de la fortune ; en mettant en parallèle la prospérité dont nous avons joui, et l’adversité qui nous poursuit à présent ; en plaçant sous ses yeux l’énumération et le tableau de tout ce qui résulterait de fâcheux pour nous, si nous perdions notre cause ; en recourant aux prières, et nous mettant à la merci de ceux que nous implorons. Retraçons les maux que notre disgrâce fera retomber sur nos parents, nos enfants, nos amis ; et montrons-nous affligés non pas de nos propres souffrances, mais de la solitude et de la misère qui les menacent. Faisons connaître la clémence, l’humanité, la douceur que nous avons montrée nous-mêmes envers les autres. Prouvons que nous avons été toujours ou souvent malheureux ; déplorons le malheur de notre destinée ou les persécutions de la fortune ; protestons de la fermeté de notre âme et de notre résignation pour les malheurs à venir. Mais il ne faut pas s’arrêter sur les moyens de compassion ; car rien ne sèche plus vite que les larmes.

J’ai traité dans ce livre tous les points les plus obscurs de l’art ; c’est ce qui m’engage à le terminer. Je réserve pour le troisième tous les autres préceptes qui me paraîtront nécessaires. Si vous mettez autant de soin à les suivre que j’en apporte à les tracer, je trouverai dans votre instruction le fruit de mes soins, et vous-même me saurez gré de mes efforts en vous réjouissant de vos progrès. Vous deviendrez plus habile par la connaissance des préceptes de l’art, et moi je ne mettrai que plus de zèle à compléter mon ouvrage. Cet espoir ne me trompera pas, je le sais ; car je vous connais bien. Je vais donc passer à présent aux autres préceptes, car mon plaisir le plus grand est de remplir votre légitime attente.


LIVRE TROISIÈME.

I. J’ai fait voir suffisamment, ce me semble, dans les livres qui précèdent, comment il faut appliquer les règles de l’invention au genre judiciaire. J’ai renvoyé dans celui-ci celles qui concernent le délibératif et le démonstratif, afin de vous en présenter sans retard l’ensemble complet. Il restait encore quatre parties de l’art. Je traiterai de trois dans ce livre : de la disposition, de la prononciation, de la mémoire. L’élocution me