Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/205

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avantage, car ce n’est pas toujours une nécessité, ou peut revenir à l’idée fondamentale de l’exorde qu’on a supprimé.

X. Si notre cause parait offrir une telle difficulté, que personne ne veuille consentir à écouter un exorde, nous commencerons parla narration, pour revenir ensuite sur la pensée qui devait être produite d’abord. Si la narration a peu de chances de succès, nous débuterons par quelque preuve solide. Ces changements et ces transpositions de-viennent souvent nécessaires, lorsque la nature même du sujet exige de modifier avec le secours de l’art les préceptes que l’art a donnés. Dans la confirmation et la réfutation des preuves, voici la disposition qu’il convient de suivre : les argumentations les plus concluantes se placent au commencement et à la fin ; les médiocres, celles qui ne sont ni utiles ni essentielles, qui, chacune en particulier, et placées séparément, restent sans force, tandis qu’elles en tirent une suffisante de leur réunion avec d’autres, doivent être disposées dans le milieu. Car, après une narration, l’esprit de l’auditeur attend la preuve qui peut la confirmer. Il faut donc en présenter d’abord une qui ait de la valeur. Et, comme la mémoire retient facilement ce qui a été dit en dernier, il est utile de laisser, en finissant, dans celle des auditeurs, l’impression récente d’une preuve pleine de force. Cet arrangement des parties pourra rendre la victoire facile pour l’orateur, comme le fait, pour un général, la disposition de ses troupes.

XI. La prononciation, de l’avis d’un grand nombre de maîtres, est ce qu’il y a de plus utile à l’orateur, et ce qui contribue le plus puissamment à la persuasion. Pour moi, je ne donnerais pas aisément la prépondérance à l’une des cinq qualités sur les autres ; mais je ne craindrai pas de dire que la prononciation est d’une très grande utilité. Car une invention facile, une élocution élégante, une disposition habile, une mémoire toujours fidèle, ne pourront pas plus se passer de la prononciation, que celle-ci ne saurait suffire toute seule. Aussi, comme personne n’a soigneusement traité cette matière, parce qu’on ne croyait pas possible de donner des préceptes clairs sur la voix, le visage et le geste, toutes choses qui se rapportent aux sens ; et comme il faut que l’orateur donne beaucoup d’attention à cette partie, je crois devoir présenter des observations exactes et complètes sur cet objet.

On distingue, dans la prononciation, l’inflexion de la voix et le mouvement du corps. L’inflexion de la voix est le caractère propre que lui ont donné l’habitude et l’art. Trois qualités s’y rapportent, l’étendue, la fermeté, la flexibilité. La première est, avant tout, un don de la nature ; l’étude y ajoute encore, mais surtout la conserve. La fermeté dépend beaucoup aussi de la nature ; elle s’augmente et se maintient principalement par l’exercice de la déclamation. C’est encore cet exercice qui sert le plus à nous faire acquérir la flexibilité, laquelle consiste à pouvoir varier, à notre gré, les intonations de notre voix. Il n’entre donc pas dans mon dessein de parler de l’étendue ni de la fermeté de la voix, puisque la première dépend de la nature, et que l’autre résulte de