Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/225

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puie de quelques raisons, par exemple : « Il n’y a de manière de vivre honorablement que celle qui est conforme à la vertu, parce que la vertu seule ne dépend jamais que d’elle-même ; tout, excepté elle, est soumis au pouvoir de la fortune. - Ceux qui n’ont recherché l’amitié d’un homme que pour ses richesses, disparaissent dès que la fortune s’est enfuie. Car la cause de leur attachement ne subsistant plus, il ne reste rien qui puisse le faire durer. » Il y a aussi des sentences qui prennent les deux formes, c’est-à-dire, qui s’expriment avec ou sans preuve. Sans preuve, comme dans cet exemple : « C’est « une erreur de se croire, dans la prospérité, à l’abri de toutes les attaques de la fortune. C’est penser sagement, que de redouter les revers au sein même du bonheur. » Avec preuve, comme dans celui-ci : « On a tort de croire qu’il faut pardonner les fautes de la jeunesse, cet âge n’étant point un obstacle à la pratique du bien. On fait sagement, au contraire de châtier les jeunes gens avec une grande sévérité, afin qu’ils apprennent à acquérir, dès leurs plus tendres années, les vertus qui doivent assurer le bonheur de leur vie entières. » Il ne faut faire que rarement usage des sentences, afin de rester orateur, et de ne pas devenir moraliste : employées avec réserve, elles contribuent à l’ornement du style. Il est nécessaire que l’auditeur les approuve tacitement, et reconnaisse que, quoique empruntées à la vie commune, elles ont un rapport incontestable avec le sujet.

XVIII. L’Opposition est à peu près la même chose que l’antithèse ; elle consiste à présenter deux choses différentes dont l’une sert rapidement et facilement de preuve à l’autre : exemples : « Pouvez-vous espérer que celui qui a toujours été l’ennemi de ses propres intérêts, se montrera l’ami de ceux des autres ? — Vous l’avez reconnu perfide envers ses amis ; comment le supposeriez-vous fidèle à ses ennemis ? — Comptez-vous que l’homme qui montrait un orgueil insupportable dans la condition de simple particulier, deviendra affable et modeste dans la puissance ? — Comment croire que celui qui, dans la conversation ordinaire et dans le cercle de ses amis, n’a jamais dit la vérité, se fera scrupule de mentir dans les assemblées publiques ? Craindrons-nous de combattre en rase campagne ceux que nous avons précipités des hauteurs ? Quand ils étaient plus nombreux que nous, ils ne pouvaient nous égaler ; et maintenant que nous avons l’avantage du nombre, nous craindrions d’être vaincus ! » Ce genre de figure exige de la rapidité et de la précision ; elle plaît à l’oreille, parce que la forme en est courte et claire ; ensuite elle prouve énergiquement par les contraires ce que l’orateur a besoin de prouver ; et tire, de ce qui est démontré, la preuve de ce qui est douteux encore, de manière à ce qu’il soit impossible, ou du moins très difficile de le réfuter.

XIX. On appelle Membre de phrase la réunion de quelques mots qui forment un sens complet, indépendamment du reste de la pensée, et qui sont suivis d’un autre membre. Ainsi : « Et vous serviez votre ennemi » voilà un premier membre, après lequel il en vient un second : « Et vous nuisiez à votre ami. » Cette figure peut se composer de deux membres ; mais elle est plus élé-