Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contredit. Ainsi dans ces exemples : « Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger. » — « Je ne fais pas de vers, parce que je ne peux pas en faire comme je veux ; et que je ne veux pas en faire comme je peux. » — « Ce qu’on dit de lui ne se peut dire, et ce qu’on en pourrait dire ne se dit pas. » — « Si un poème est une peinture parlante, la peinture doit être un tableau muet., » — « C’est parce que vous êtes un sot, que vous vous taisez, mais vous n’êtes pas un sot, de vous taire. » On ne saurait dire quel agrément il résulte de cette transposition de pensées contraires, lorsque les mots eux-mêmes sont transposés ainsi. Cette figure étant difficile à rencontrer, j’en ai cité plusieurs exemples, afin de la bien faire concevoir, et de la rendre par là d’un usage plus facile.

XXIX. La Permission est une figure par laquelle nous déclarons que nous nous en remettons entièrement à la volonté de l’auditoire. Par exemple : « Puisque j’ai tout perdu et qu’il ne me reste — de tout ce que je possédais que mon corps et mon âme, je vous les abandonne encore, je les remets en votre pouvoir. Vous en userez ou en abuserez impunément à votre gré : prononcez comme vous le voudrez sur mon sort ; parlez, je me soumets. » Cette figure qui peut m’employer dans plus d’un cas, est propre surtout à exciter la compassion.

Au moyen de la Dubitation, l’orateur semble chercher entre deux ou plusieurs choses celle qu’il doit dire de préférence. Ainsi : « La république eut beaucoup à souffrir alors, dois-je dire — par l’incapacité ou par la perversité des consuls, ou plutôt par l’une et par l’autre à la fois. Vous avez osé tenir ce langage, ô vous, de tous les hommes le plus…. Car je me sais quel nom vous donner qui soit digne de vos mœurs. »

L’Énumération, après avoir compté tous les motifs qui rendent une chose possible ou impossible, et les avoir successivement détruits, n’en conserve qu’un seul qu’elle fait valoir, comme dans cet exemple : « Puisqu’il est constant que ce fond m’appartenait, il faut prouver ou que vous en avez pris possession lorsqu’il était abandonné, ou qu’il vous est acquis par prescription, ou que vous l’avez acheté, ou que vous l’avez reçu en héritage. Or, vous n’avez pu vous en rendre maître comme d’une chose abandonnée, puisque je n’étais point absent : la prescription ne peut pas vous être acquise encore ; rien ne prouve que vous l’ayez acheté ; un héritage ne vous l’a pas livré de mon vivant. Il en résulte donc que c’est par la violence que vous m’en avez chassé. » Cette figure est d’un grand secours dans la discussion des questions de fait : mais nous ne devons pas en user à notre gré, comme nous faisons des autres ; il ne faut l’employer que quand la nature même du sujet nous y autorise.

XXX. La Dissolution supprime les particules conjonctives, et sépare les membres de la phrase ; par exemple : « Suivez la volonté de votre père ; obéissez à vos parents ; cédez à vos amis ; soumettez-vous aux lois, » — « Présentez une défense complète ; ne refusez aucun moyen de justification ; faites appliquer vos esclaves à