Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/308

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les donnait à ceux qu’il choisissait pour héritiers, avait la plus grande validité. »

« L’héritage est-il un ? » voilà le point à juger ; et si l’on accorde que « des causes différentes « peuvent donner des droits à un même héritage, » il faudra encore décider « si des branches différentes peuvent avoir les mêmes droits sur le même héritage. »

XXII. Ainsi vous voyez que dans une seule question il peut se rencontrer plusieurs raisons, plusieurs manières de les réfuter, et plusieurs points à juger. Voyons maintenant les règles de cette question. Les deux parties ou toutes, s’il s’en rencontre plus de deux, doivent examiner ce qui constitue le droit. Il est puisé dans la nature. L’utilité plus ou moins évidente de certaines choses les a fait passer en usage : une fois leur utilité démontrée par l’évidence ou par l’expérience, la loi les a confirmées. Il est un droit naturel qui n’est point fondé sur l’opinion, mais sur un sentiment inné, comme la religion, la piété, la reconnaissance, la vengeance, le respect ou la vérité. La crainte des dieux et les cérémonies de leur culte constituent la religion. La piété est le sentiment qui nous avertit de nos devoirs envers la patrie, nos parents, ceux qui nous appartiennent par le sang. La reconnaissance consiste dans les égards qu’inspirent le souvenir des bienfaits, des honneurs et de l’amitié, et le désir d’y répondre. La vengeance punit ou repousse la violence, ou l’affront fait à nous ou à ceux que nous devons chérir ; et c’est aussi par elle que nous punissons les crimes. On entend par le respect, les marques de déférence et de vénération que nous donnons à l’âge, à la sagesse, aux honneurs ou aux dignités. Par la vérité, nous tâchons que rien, dans le passé, le présent et l’avenir, ne démente ce que nous avons affirmé. Il est rare que, dans une cause de cette espèce, on ait recours aux droits naturels, dont le droit civil s’occupe peu, et qui ne sont point à la portée du vulgaire. Cependant on peut les employer, en plusieurs circonstances, dans la similitude ou dans l’amplification.

On appelle droit fondé sur la coutume, tout ce que le temps a consacré, du consentement universel, sans l’autorisation de la loi. La loi même contient plusieurs droits établis par le temps. Un grand nombre et même la plupart se trouvent renfermés dans les édits des préteurs. D’autres espèces de droit, au contraire, sont fondées sur la coutume, comme un contrat, l’équité, les jugements antérieurs. Un contrat est un traité entre différents individus, qu’on regarde comme si juste, qu’il est de droit de l’exécuter. L’équité donne un droit égal à tous. Un jugement antérieur est la décision déjà rendue par une ou plusieurs autorités. La loi nous fait connaître les droits légaux. 11 faut donc examiner tout ce que ces différentes parties du droit pourront vous fournir, ou dans le fait même, ou dans une affaire semblable, ou dans une plus ou moins importante, et fouiller pour ainsi dire chacune d’elles pour en tirer ce qui peut servir notre cause. Pour les lieux communs, qui forment, comme nous l’avons dit plus haut, deux espèces, dont l’une développe les choses douteuses, et l’autre les choses certaines, voyez ce qu’ils fournissent de secours à votre cause, ce que vous pouvez, ce que vous devez