Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/310

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traité s’exécute. Il a perdu ses armes et ses bagages, mais il a sauvé son armée contre toute espérance. On l’accuse de lèse-majesté. »I ci s’offre une définition. Mais ne perdons point de vue l’objet qui nous occupe en ce moment.

« Il ne devait pas abandonner ses armes et ses bagages ; » voilà l’accusation. Le général répond « qu’il le devait. » La question est : « Le devait-il ? » Il donne pour raison, « que tous ses soldats auraient été égorgés. » On le réfute, ou par cette conjecture : « Ils n’auraient pas été égorgés ; » ou par cette autre « Ce n’était pas là votre motif. » Alors s’offrent ces points à juger : « Auraient-ils été égorgés ? était-ce là le motif de la conduite de l’accusé ? » ou cette alternative, dont nous nous occupons : « Fallait-il laisser périr son armée, plutôt que de livrer ses armes et ses bagages à l’ennemi ? » De là naît le point à juger : « Lorsqu’il fallait perdre son armée, ou souscrire à ce traité, valait-il mieux perdre son armée que de la sauver à ces « conditions ? »

Telle est la manière de traiter une cause de cette espèce. On peut suivre ici la méthode et les préceptes tracés pour les autres questions, et surtout réfuter, par des conjectures, l’alternative qu’établit l’accusé. Vous y parviendrez, en assurant que ce qu’il regarde comme nécessaire ne serait point arrivé s’il n’eût point agi comme il a fait, ou en démontrant que sa conduite a eu d’autres motifs que ceux qu’il avoue, et qu’elle est fondée réellement sur d’autres causes. La défense et la réfutation se prennent également dans la question de conjecture ; ou bien, si l’on qualifie le délit, comme dans cet exemple ou le général est accusé de lèse-majesté, il faut employer la définition et suivre les préceptes que nous avons donnés à ce sujet.

XXV. Il arrive souvent que, dans les causes de cette nature, on est obligé d’employer à la fois les conjectures et la définition. S’il s’y rencontre encore quelque autre genre, il faut également suivre les préceptes de ce genre. En effet, le but principal de l’accusateur est de réunir le plus de moyens qu’il pourra contre le fait que l’accusé veut justifier, et il lui sera facile d’y réussir, en multipliant le nombre des questions.

L’alternative, isolée des autres genres, peut être considérée en elle-même ; et alors vous démontrerez que le fait dont il s’agit n’était ni utile, ni honnête, ni nécessaire, ou du moins ne l’était réellement pas à un si haut degré.

Sachez ensuite distinguer le fait que vous imputez à l’accusé, de celui que le défenseur présente comme alternative, et démontrez que l’usage ne permet point de se conduire ainsi, et que nulle raison ne peut autoriser à livrer à l’ennemi, pour le salut d’une armée, les armes qui font son salut. Il faudra comparer ensuite les avantages et les inconvénients, opposer nettement ce que vous attaquez aux choses que le défenseur prétend justifier, ou dont il vent prouver la nécessité ; et, en affaiblissant l’avantage, exagérer le tort. Vous y réussirez en prouvant qu’il a pris le plus mauvais parti, au lieu de prendre le plus honorable, le plus utile et le plus nécessaire. Les règles de la délibération vous apprendront à connaître la