Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/311

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nature et le pouvoir de l’honneur, de l’intérêt et de la nécessité.

Exposez ensuite cette cause d’alternative comme une cause délibérative, et suivez les règles du genre délibératif ; car, pour nous servir toujours du même exemple : « Toute l’armée devait périr, si l’on n’eût signé ce traité ; valait-il mieux la laisser périr que de le signer ? » Question qu’il faut développer suivant les règles du genre délibératif, comme une chose sur laquelle on vous demande votre avis.

XXVI. Les lieux dans lesquels l’accusateur a puisé les questions qu’il ramène à sa cause, fourniront aussi des armes au défenseur pour réfuter ces mêmes questions ; seulement il suivra une marche opposée à celle de son adversaire dans les lieux qui naîtront de l’alternative elle-même.

Les lieux communs seront, pour l’accusateur, d’exhaler son indignation contre la bassesse ou les inconvénients d’une action que l’accusé avoue honteuse ou funeste, on l’un et l’autre à la fois, en cherchant toutefois à la justifier. Le défenseur répondra qu’on ne peut juger des avantages, des inconvénients, de la bassesse ou de la gloire d’une action, sans en connaître la cause, le temps et l’intention. Ce lieu commun, bien développé, est, dans cette cause, un des plus puissants moyens de persuasion. Le développement de l’importance du service, qui se tire ordinairement de la nécessité, de l’honneur ou de l’utilité de l’action, vous offre un second lieu commun. Un troisième met sous les yeux de l’auditoire une peinture animée, qui lui persuade que, dans les mêmes circonstances, à la même époque et avec les mêmes motifs, il n’aurait pas agi autrement que vous. La récrimination a lieu lorsqu’en avouant le délit on se justifie, en montrant qu’on a été entraîné à le commettre par la faute d’un autre. Par exemple : « Horace, vainqueur des trois Curiaces, après la mort de ses deux frères rentre en triomphe dans la ville. Il voit que sa sœur, sans être affligée de la perte de ses frères, prononce de temps en temps, avec des pleurs et des sanglots, le nom d’un des Curiaces, auquel elle était fiancée. Dans le transport de son indignation,« il la tue. On le cite en justice. »

On l’accuse « d’avoir, sans aucun droit, tué sa soeur. » Il répond « qu’il en avait le droit. » C’est ce qu’il s’agit de décider. Voici son motif : « Elle pleurait la mort d’un ennemi, sans songer à celle de ses frères ; elle détestait ma victoire et celle du peuple romain. » On le réfute, en disant « que son frère ne devait pas néanmoins la tuer, sans qu’elle fût condamnée. » Voici le point à juger : « Horatia, indifférente à la mort de ses frères, pleurait celle des ennemis, et ne se réjouissait point de la victoire de son frère et du peuple romain : son frère avait-il le droit de la tuer, sans qu’elle fût condamnée ? »

XXVII. Dans ce genre de cause, on peut, ainsi que nous l’avons dit pour l’alternative, emprunter aux autres questions ce qui convient à celle que nous discutons. Il faut ensuite trouver, s’il est possible, quelque question qui puisse servir à la défense de celui sur qui l’accusé rejette le crime. On montre d’abord qu’il est moins grave