Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/315

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faire ce que veut l’accusateur ; mais, sans employer la concession, il attribue à quelque chose ou à quelqu’un la cause qui a enchaîné sa volonté : nous montrerons bientôt que la concession emploie (les moyens plus victorieux. Dans le second, au contraire, il ne doit pas accuser un autre, mais démontrer que le fait n’est pas ou n’était pas en sou pouvoir, et ne le regardait nullement. Alors il arrive souvent que l’accusateur intente son accusation par le recours ; comme si, par exemple, « on mettait en justice un citoyen qui, pendant sa préture, quoique les consuls fussent à Rome, aurait appelé le peuple aux armes pour quelque expédition. » En effet, de même que dans l’exemple précédent, l’accusé déclarait que le fait n’était point en sa puissance, et que son devoir ne lui prescrivait pas de l’éviter : ainsi, dans la cause présente, l’accusateur appuie son accusation, en démontrant que le fait n’était point du ressort de celui qu’il accuse, et que son devoir ne lui prescrivait point de s’en charger. Chacune des deux parties doit chercher, par tout ce que fournit l’honneur et l’intérêt, par des exemples, des indices et des raisonnements, à établir ses devoirs, ses droits, son pouvoir, et examiner si sur tous ces points chacun a exercé des fonctions qui lui appartiennent. La nature du fait indiquera s’il faut employer les lieux communs de l’indignation ou du pathétique.

XXXI. La concession ou l’aveu du crime a lieu lorsque l’accusé, sans se justifier sur le fait, supplie qu’on lui pardonne. Il emploie le défaut d’intention et la déprécation. Par le défaut d’intention, il ne cherche point à se justifier du fait, mais de l’intention ; et alors il peut alléguer pour excuse l’ignorance, le hasard ou la nécessité.

Par l’ignorance, l’accusé assure qu’il ne connaissait pas telle ou telle chose. Voici un exemple de cette espèce de justification : « Un peuple avait défendu d’immoler des veaux à Diane. Des matelots, pendant une tempête, firent vœu, s’ils pouvaient entrer dans un port qu’ils apercevaient, d’immoler un veau à la divinité qu’on y adorait. Sur le port se trouvait par hasard le temple de cette Diane, à laquelle on ne pouvait. immoler des veaux. Les matelots débarquent, et, ne connaissant pas la loi, accomplissent leur vœu ; on les accuse. » - « Vous avez immolé un veau à Diane ; ce sacrifice était défendu, » dit l’accusateur. « Oui, mais nous l’ignorions, » répondent-ils en se justifiant par la concession ou l’aveu du crime. — On les réfute en disant : « Qu’importe ? puisque vous avez fait ce qui était défendu, la loi veut que vous soyez punis. » - Il s’agit de décider « si celui qui a enfreint une loi qu’il ne connaissait pas a mérite le châtiment. »

On allègue le hasard, quand on veut prouver que des événements imprévus se sont opposés à notre volonté. « A Lacédémone, la loi condamnait à mort celui qui s’était chargé de fournir les victimes pour certains sacrifices, s’il manquait à ses engagements. A l’approche d’un jour de fête où ces sacrifices devaient été célébrés, celui qui avait pris sur lui cette charge se disposait à faire conduire les victimes à la ville, quand tout à coup l’Eurotas, fleuve qui coule près de Sparte, gonflé par des pluies extraordinaires,