Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/320

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s’ils n’ont pas eu pour principe des vues intéressées, mais bien le désir sincère d’être utile : la fortune, s’ils ne sont point dus au hasard, mais à une volonté bien décidée, ou si la fortune ne s’opposait point aux effets de cette bonne volonté.

Quant à l’homme, on s’attache à découvrir sa conduite, à connaître quels frais ou quels soins lui a coûtés cette action ; s’il en a déjà fait une semblable ; s’il ne réclame point le prix d’une action dont un autre est l’auteur, ou qui n’est due qu’aux dieux ; s’il n’a pas lui-même refusé d’accorder une récompense méritée par les mêmes moyens ; si l’honneur qu’il s’est acquis par ses services ne l’a point assez récompensé ; s’il n’a pas été forcé d’agir comme il a fait ; ou si son action n’est point de nature à mériter une récompense, puisqu’il eût mérité d’être puni pour n’avoir pas fait cette action dont il se glorifie ; enfin s’il ne demande point trop tôt sa récompense, et ne vend point à un prix assuré des espérances incertaines ; ou s’il ne se hâte point de demander une récompense, pour se dérober à quelque peine par ce jugement anticipé.

XXXIX. Pour le genre de récompense, on examine la nature et l’importance de celle qu’on exige, l’action pour laquelle on la réclame, et le prix que mérite chaque action. On va chercher ensuite dans l’antiquité, à quels hommes et à quelles actions on a accordé un honneur qu’on ne doit pas d’ailleurs prodiguer. Celui qui s’oppose à ce qu’on accorde la récompense, a ici pour lieux communs, d’abord, que les récompenses de la vertu et du zèle dans l’accomplissement de ses devoirs sont sacrées ; qu’on ne doit point les accorder au crime ni les prodiguer à la médiocrité ; ensuite, que les hommes auront moins d’amour pour la vertu, si on les familiarise avec les récompenses, dont l’attrait seul nous fait trouver belles et agréables des actions difficiles et pénibles en elles-mêmes ; enfin, que si, dans l’antiquité, on rencontre quelques grands hommes dont le mérite supérieur a été honoré d’une pareille distinction, ne croiront-ils pas que l’on veut ternir leur gloire, en accordant la même récompense à des hommes tels que ceux qui la demandent aujourd’hui ? L’orateur comptera ces héros ; il les opposera aux adversaires. Celui qui demande la récompense développera son action, et la comparera avec celles qu’on a honorées d’une récompense. Enfin, il dira que c’est décourager la vertu, que de lui refuser le prix de ses efforts.

On parle des richesses, quand il s’agit d’une récompense pécuniaire. Alors on examine si le pays qui l’accorde est riche ou non en propriétés, en revenus, en argent comptant : les lieux communs sont, qu’il faut augmenter et non diminuer les richesses d’un État ; qu’il y a de l’impudence à ne point se contenter de la reconnaissance, et à trafiquer de ses bienfaits. L’adversaire répondra qu’une basse avarice peut seule calculer quand il s’agit d’être reconnaissant ; qu’il ne vend point ses services, mais qu’il désire qu’on l’en récompense par l’honneur qu’il a mérité. Mais c’est assez parler des questions ou états de cause : passons aux discussions qui portent sur le sens littéral.

XL. La discussion porte sur le sens littéral, quand le texte offre quelque chose de douteux : ce qui vient de termes ambigus, de la lettre et de l’esprit, de lois contraires, de l’analogie ou de mots