Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/329

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

compare ensuite ce qui est douteux dans la question présente avec ce qui est certain, de manière à faire regarder le douteux et le certain comme absolument semblables. Il s’étonne qu’en regardant l’un comme juste, on rejette l’autre qui l’est bien davantage, ou, du moins, qui l’est autant. Si le législateur n’en fait point mention, ajoute-t-il, c’est qu’il a pensé qu’après ce qu’il avait écrit sur un point, le doute n’était plus permis sur l’autre. D’ailleurs, les lois ne sont-elles pas remplies d’omissions auxquelles on ne s’arrête point, parce qu’on peut, d’après ce qui est écrit, suppléer ce qui manque ? Démontrez ensuite la justice de votre cause, comme dans la question juridiciaire absolue.

L’adversaire, de son côté, pour chercher à affaiblir les rapports que l’on veut établir, prouvera que les deux termes comparés diffèrent de genre, de nature, d’essence, d’étendue ; qu’ils ne sont applicables, ni pour le temps, ni pour le lieu, ni pour la personne, ni pour l’opinion. L’orateur marquera le rang et la place qu’on doit assigner à chacun de ces termes ; il en fera sentir la différence, et démontrera ainsi qu’on ne doit point avoir la même idée de l’un et de l’autre. Veut-il employer aussi l’analogie, et en a-t-il le moyen, qu’il se serve de celles que nous avons indiquées. S’il ne le peut, il affirmera qu’on doit s’en tenir à ce qui est écrit ; que toutes les lois seront exposées à des altérations, si l’on veut admettre les rapports proposés. On ne trouvera presque rien qui ne ressemble à quelque autre chose ; parmi tant d’objets, il y a cependant des lois particulières pour chacun, et l’on peut trouver partout des rapports et des différences. Quant aux lieux communs destinés à établir l’analogie, ils consistent à passer, avec le secours de la conjecture, de ce qui est écrit à ce qui ne l’est pas. Il n’est personne qui puisse tout prévoir, tout embrasser ; et c’est mettre dans la rédaction toute l’exactitude possible, que de faire conclure une chose d’une autre. Pour réfuter cette proposition, on dira qu’il n’appartient qu’aux devins de conjecturer, et qu’un étourdi peut seul ne pas prévoir tous les cas qu’il avait l’intention d’exprimer.

LI. La définition a lieu quand il se trouve dans le texte quelque mot dont on cherche la valeur.

Par exemple : LA LOI DÉPOUILLE CEUX QUI, DANS UNE TEMPÊTE, ABANDONNENT LEUR VAISSEAU, ET DONNE LE BÂTIMENT ET SA CARGAISON A CEUX QUI NE LE QUITTENT PAS. « Deux hommes, dont l’un était propriétaire du navire, et l’autre de sa cargaison, rencontrèrent en pleine mer un malheureux naufragé qui, en nageant, implorait leur secours. Touchés de compassion, ils allèrent à lui, et le prirent à bord. Bientôt la tempête devint si furieuse que le propriétaire du navire, qui était en même temps pilote, se jette dans l’esquif, et fait tous ses efforts pour diriger le vaisseau à l’aide du câble qui l’attache à sa barque. Le propriétaire des marchandises,qui n’avait pas quitté le vaisseau, se jette de désespoir sur son épée. Celui qu’ils avaient recueilli tous deux s’empare alors du gouvernail et emploie tous ses efforts à sauver le bâtiment. Enfin les flots s’apaisent, le temps change. et l’on