Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/333

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cependant presque tout s’y rapporte au bien-être personnel, comme dans la république, où certaines choses constituent pour ainsi dire le corps de l’État, telles que le territoire, les ports, l’argent, les flottes, les matelots, les soldats, les alliés ; enfin tout ce qui sert au maintien de son indépendance et de son intégrité. D’autres sont d’une utilité plus spécieuse et moins nécessaire, comme une ville immense et magnifique, des richesses brillantes, des amis et des alliés nombreux. Comme tous ces avantages ne servent pas seulement à maintenir l’intégrité et l’indépendance des États, mais à les rendre forts et puissants, on peut envisager deux choses dans l’utilité, la sûreté et la puissance. La sûreté nous protège et nous défend contre les dangers. La puissance est la possession des moyens propres à conserver ses avantages et d’obtenir ceux d’autrui. Il faut encore, dans tout ce que nous avons dit, considérer le plus ou le moins de facilité. Ce qui ne demande que peu ou point de peine, de frais, de fatigue et de temps, est facile. Ou regarde comme difficile ce qu’il est possible d’achever et de conduire à sa fin, mais à force de peines, de frais, de fatigues et de temps, en bravant toutes les difficultés plus ou moins nombreuses, plus ou moins considérables, qui s’opposent à l’exécution.

Après avoir traité de l’honnête et de l’utile, il nous reste à parler de la nécessité et des circonstances, qui nous ont semblé, comme on l’a vu plus haut, devoir être jointes à ces deux premiers mobiles.

LVII. J’appelle nécessité, une force irrésistible qu’aucune puissance ne saurait ni changer ni adoucir. Des exemples rendront notre définition plus claire, et feront mieux connaître la nature et l’empire de la nécessité : « Le bois doit nécessairement être combustible. L’homme doit nécessairement mourir un jour ; » aussi nécessairement que l’exige la force irrésistible de cette nécessité qu’aucune puissance ne saurait ni adoucir ni changer, et telle que nous la définissions tout à l’heure. Quand l’orateur rencontre de tels obstacles, il peut les appeler nécessités. S’il trouve des difficultés,. il considérera, d’après la question précédente, s’il est possible de les surmonter. Il me semble encore qu’il y a des nécessités accessoires, et d’autres simples et absolues. Car nous ne disons pas dans le même sens : « Il est nécessaire que les Casiliniens se rendent à Annibal, » et « il est nécessaire que Casilinum tombe au pouvoir d’Annibal. » Dans le premier cas, la nécessité accessoire est celle-ci : « A moins qu’ils n’aiment mieux mourir de faim ; » car s’ils aiment mieux prendre ce parti, il n’y a plus de nécessité. Il n’en est pas de même dans le second exemple ; car, soit que les Casiliniens se rendent, soit qu’ils aiment mieux mourir de faim, il n’en est pas moins nécessaire que Casilinum tombe au pouvoir d’Annibal. Cette distinction de nécessité est-elle utile ? Sans doute, surtout quand le premier cas se présente ; car si la nécessité est simple et absolue, il n’y a presque rien à dire, puisque rien ne peut en adoucir la rigueur. Mais n’y a-t-il nécessité que pour éviter ou obtenir quelque chose, considérons ce que cette nécessité accessoire offre d’honnête ou d’utile. En effet, si vous voulez y prendre garde, en bornant toutefois cet examen aux divers objets de la vie civile, vous ne trouverez aucune action