Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome I.djvu/588

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seul de tous les sénateurs, refusé le serment à une loi séditieuse de ce tribun. Aulu-Gelle cite de lui plusieurs phrases ou fragments de discours qui donnent de son esprit et de son caractère la plus haute idée.

XXXV. M. Aurelius Scaurus. Il ne faut pas confondre ce Scaurus avec celui dont il est question, note du ch. 29. et qui était de la famille Emilia, tandis que celui dont Cicéron parle ici était de la maison Aurélie.

Q. Cepio. Q. Servilius Cépion s’était attiré la haine du peuple par sa loi sur les jugements (dernière note du ch. 34, ) qui lui avait valu le titre de protecteur du sénat, patronus senatus. L’an 647, envoyé en Gaule contre les Cimbres, il prit Toulouse, pilla la ville, enleva une immense quantité d’or et d’argent consacré aux dieux par les Gaulois. Après avoir fait partir ces trésors pour Marseille, d’où ils devaient être transportés à Rome, il envoya secrètement des assassins qui égorgèrent les conducteurs, et s’appropria cette riche proie. L’année suivante, sa folle témérité perdit l’armée, et causa un des plus épouvantables désastres qui aient jamais essuyés les Romains. Il fut destitué de son commandement, dépouillé de ses biens, exclu du sénat, et dix ans après accusé par Norbanus, et condamné à l’exil. (Voyez Hist. rom. de Rollin et Crévier, liv. XXX.) Voilà l’homme qui, suivant Cicéron, fut accusé des torts de la fortune, et victime de la haine du peuple. Il faut en convenir : Cicéron, préoccupé des malheurs de la patrie, jugeait, avec les idées de son temps, les hommes et les événements antérieurs au bouleversement de Marius et de Sylla. Assurément l’ami de son pays ne pouvait balancer entre une démocratie qui venait d’élever César au pouvoir absolu, et l’aristocratie du sénat qui avait soutenu jusqu’à la fin les anciens principes. Dans de telles circonstances, le parti des grands, des optimates, était le véritable parti républicain. Mais en était-il de même au temps des Gracques ? Et pour revenir à Cépion, le mérite d’avoir servi le sénat dans l’affaire des jugements est-il assez grand pour l’absoudre des fautes et des crimes que l’histoire lui reproche ?

XXXVI. C. Memmius. C’est celui dans la bouche duquel Salluste, Jug., 31, met un fort beau discours contre la noblesse. En 653, sous le sixième consulat de Marius, il fut tué par Saturninus au milieu même des comices consulaires. Voyez Appien, Guerr. Civ., I ; Cic., quatrième Catilinaire.

Si nunc ad Antontum pervenimus. Marc Antoine, l’orateur, naquit l’an 610 de Rome. Il fut consul l’an 654, Cicéron étant dans sa huitième année. Il fut tué en 666, par ordre de Marius et de Cinna, et sa tête fut attachée à la tribune aux harangues. Ce grand orateur eut pour fils M. Antonius Créticus, père du triumvir Marc Antoine, et C. Antonius, collègue de Cicéron dans le consulat. — Luc. Licinius Crassus, l’orateur, naquit l’an 613, trente-quatre ans avant Cicéron. Il fut consul en 658 avec Scévola le pontife, et mourut en 662. (Voyez le récit pathétique que Cicéron fait de sa mort, de Orat., III, 1 et 2.) Il cite, tant dans cet endroit que liv. I, 52, et liv. II, 55, plusieurs phrases de Crassus, qui font vivement regretter qu’il ne nous en reste pas davantage. — Dans ce chapitre et le suivant, Cicéron examine le talent d’Antoine, sous les cinq rapports de l’invention, de la disposition, de la mémoire, de l’élocution et de l’action.

XXXVIII. Omnisque motus cum verbis sententiis consentiens. Pour se faire une idée de ce qu’était l’action oratoire chez les anciens, il faut lire en entier le chap. 3 du liv. XI, de Quintilien. Ce qu’il dit des mains qu’il appelle un langage universel, est surtout remarquable. Quant au mouvement des épaules, il conseille beaucoup de réserve : Humerorum raro decens allevatio atque conracitto est. Ces mots prouvent toutefois que les épaules jouaient dans l’action un bien plus grand rôle que chez nous. Par latera (les flancs), il faut entendre le mouvement qu’on donne à son corps, la manière de le pencher et de le plier. Quintilien recommande beaucoup de ne pas dépasser en ce genre les règles de la bienséance. Par exemple, il ne veut pas qu’en prononçant cette phrase de Cicéron, Stetit soleatus praetor populi romani muliercula nixus in labore, l’orateur représente par le geste la position peu décente de Verrès : Non inclinatio incumbentis tu mulierculam Verris efficienda est. Il ne veut pas qu’en prononçant cette autre phrase, Caedebatur in foro Messanae civis romanus, l’orateur imite les contorsions déchirantes, ni les cris douloureux de l’infortuné qu’on frappe de verges : Non motus laterum, qualis esse ad verbera solet, torquendus ; alti vox, qualis dolore exprimitur, eruenda…. Il donne aussi des préceptes sur la manière de se tenir debout (status), de marcher (incessus) ; car l’orateur ne restait pas toujours immobile à la tribune ou devant les juges. il marchait en parlant souvent à grands pas, quelquefois à pas précipités. Il y avait toutefois, malgré cette véhémence d’action, un decorum, une mesure, qu’on ne pouvait dépasser sans s’exposer au ridicule. Un certain Virginius demandait un jour, au sujet d’un orateur, combien il avait déclamé de mille pas (combien il avait fait de milles en déclamant), quot millia passuum declamasset. Nous en avons assez dit pour faire voir combien, mène dans ce que les anciens trouvaient décent et mesuré, il y aurait chez nous d’inconvenance et d’exagération.

XXXIX. M. Curii. Ce procès roulait sur un testament. Coponius avait institué M’. Curius son héritier, dans le cas où il aurait un fils posthume, et que ce fils mourrait avant d’être majeur. Or il ne naquit point de fils posthume à Coponius. Cependant M’. Curius réclama l’héritage en vertu du testament. Scévola, plaidant contre lui, prétendit que Curius n’aurait droit à l’héritage, que dans le cas où il serait né à Coponius un fils posthume. Crassus soutint au contraire qu’on devait s’en tenir à l’esprit du testament, plutôt qu’à la lettre, et il gagna. Voyez plus bas, chap. 52.

Scaevola. Scévola le pontife était cousin de Q. Mucius Scévola l’augure, premier maitre de Cicéron et gendre de Lélius, dont il est question au second paragraphe du ch. 26, ainsi que dans les notes, chap., 30 et chap. 35 sur Rutilius ; Albucius Scévola le pontife fut aussi maitre de Cicéron après la mort de l’augure. Il publia divers ouvrages de jurisprudence, dont l’un, intitulé ὅροι, définitions, est le plus ancien livre dont on trouve des extraits dans le Digeste. Il fut tué en 671, par le préteur Damasippe, exécuteur des ordres du jeune Marius, pendant que celui-ci combattait contre Sylla, auprès de Sacripotum. ( Vell. Paterc., II, 26.)

XL. Serv. Sulpicio. Serv. Sulpicius Rufus fut consul en 702. Il suivit, dans la guerre civile, le parti de César, et gouverna l’Achaïe après la bataille de Pharsale. Il mourut l’an 710, la même année où Cicéron fut tué. On lit dans le quatrième livre des Lettres familières, 5 et 12, deux lettres de lui à Cicéron. Dans la première, il essaye de le consoler de la perte de sa fille Tullia, et dans l’autre, il lui annonce la mort de son ancien collègue Marcellus, leur ami commun.

XLIII. In colonia Narbonensi. La colonie de Narbonne. C’était toujours se montrer populaire que de proposer ou de favoriser l’établissement d’une colonie, parce que c’était un moyen de donner des propriétés à des citoyens pauvres.

Serviliam legem. La loi Servilia est celle par laquelle le consul Cépion appelait les sénateurs aux fonctions de juges, attribuées par la loi Sempronia aux seuls chevaliers. Crassus, en appuyant cette loi, soutenait une cause toute