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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome III.djvu/204

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dussent les fleuves se dessécher, dussent les fortifications de la nature disparaître tout à coup, nous trouverions toujours pour l’Italie un sûr rempart dans les exploits et dans les victoires de ce grand homme. Mais puisqu’il me recherche, qu’il m’aime, qu’il me croit digne de toute son estime, espères-tu, Pison, détourner sur lui la haine que je te porte, et tes crimes renouvelleront-ils les malheurs de la république ? Tu savais bien l’union qui régnait entre nous deux ; mais tu affectais de n’en rien voir quand tu me demandais, quoique d’une voix tremblante, pourquoi je ne t’accusais pas. Pour ma part, « je ne veux pas d’un non calmer ton inquiétude ». Je dois cependant considérer quels soins et quel fardeau j’imposerais à un ami chargé de si grands intérêts et d’une siimportante expédition. Mais je ne puis m’empêcher d’espérer, malgré la langueur de notre jeunesse, qui n’est plus animée comme elle devrait l’être par l’amour de la gloire et des louanges, qu’il se trouvera tôt ou tard quelqu’un de nos jeunes Romains assez résolu pour dépouiller des décorations consulaires ce cadavre abandonné, un criminel si peu redoutable, si faible, si dénué de secours, un homme enfin tel que toi, dont toute la crainte, tu l’as prouvé par ta conduite, a toujours été qu’on te trouvât indigne du bienfait que tu as reçu, le jour où tu cesserais d’être parfaitement semblable à ton bienfaiteur.

[34] XXXIV. Crois-tu que nous n’ayons pas fait une exacte recherche des maux et des désastres dont tu as accablé ta province ? Nous les avons découverts en suivant, non de faibles traces et de légers indices, mais les profondes empreintes de ton corps dans les bourbiers où tu t’es roulé. Nous nous souvenons des crimes que tu as commis à ton arrivée, lorsque, payé par les habitants de Dyrrhachium du meurtre de Plator, ton hôte, tu ruinas la maison de celui même dont tu avais vendu le sang ; et qu’après avoir reçu de lui des esclaves musiciens et d’autres présents, tu le rassuras, malgré ses alarmes et ses soupçons, et tu le fis venir à Thessalonique sur la foi de ta parole. Là tu ne le fis même pas mourir du supplice établi par nos ancêtres; et tandis que ce malheureux voulait expirer sous la hache de son hôte, tu ordonnas au médecin que tu avais amené de lui ouvrir les veines. Au meurtre de Plator tu ajoutas celui de Pleuratus, son compagnon, que tu fis mourir sous les verges, sans respect pour son grand âge. Tu te vendis encore trois cents talents au roi Cottus, et tu fis trancher la tète à Rabocentus, un des principaux de la nation besse, quoiqu’il fût venu te trouver dans ton camp comme ambassadeur, et qu’il te promît, de la part des Besses, de puissants secours et des renforts d’infanterie et de cavalerie. Avec lui périrent tous les députés qui l’accompagnaient, et dont tu avais aussi vendu les tètes au roi Cottus. Les Dense— tètes, peuple toujours soumis à cet empire au milieu même de la révolte générale des barbares de la Macédoine, avaient défendu le préteur C. Sentius:tu leur as fait une guerre aussi injuste que cruelle, et, pouvant trouver en eux de fidèles alliés, tu as mieux aimé t’en faire de redoutables