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Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome III.djvu/206

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de ton saisissement et de ton désespoir à la nouvelle que la Macédoine était devenue province prétorienne ? Tu tombas sans mouvement et demi-mort, non seulement de te voir un successeur, mais de ce qu’on n’en donnait pas à Gabinius. Citerai-je ton questeur, que tu as renvoyé, quoiqu’il eût été édile ; tes lieutenants, que tu lui as substitués, et dont les plus honnêtes ont essuyé tes outrages ; les tribuns militaires, que tu as rejetés ; le brave M. Bébius, assassiné par ton ordre ? Dirai-je que, désespérant de tes affaires, tu t’abandonnas à la tristesse, aux gémissements et aux larmes ? que tu envoyas à ce prêtre populaire six cents de nos amis et de nos alliés pour les exposer aux bêtes ? que, succombant sous la douloureuse idée de ton départ, tu te rendis d’abord à Samothrace, puis à Thasos, avec tes jeunes danseurs, avec Autobule, Athamas et Timoclès, ces frères d’une charmante figure ? que, de là, te retirant dans la maison de campagne d’Euchadie, femme d’Exégiste, tu y restas quelques jours plongé dans l’affliction ; qu’ensuite, consumé de chagrin, tu vins à Thessalonique la nuit et sans être connu ; que là, obsédé d’une foule de malheureux, et inquiet de leurs larmes, tu te réfugias à Béree, ville écartée de ta route ; que, dans cette ville, un faux bruit t’ayant rendu le courage, et l’espoir que Q. Ancharius ne te succéderait pas, tu ranimas pour la débauche ton esprit abattu par le remords de tes crimes ?

[37] XXXVII. Je ne parle pas de l’or coronaire, qui t’a si longtemps mis à la torture, incertain si tu devais le demander ou non. La loi de ton gendre défendait et aux villes de le donner, et aux gouverneurs de le recevoir, à moins qu’on ne leur eût décerné le triomphe. Cependant, après avoir reçu cet argent et l’avoir dévoré, comme tu ne pouvais le revomir et le rendre, non plus que les cent talents des Achéen, tu en as changé seulement le nom et l’objet. Je ne parle pas des lettres publiques prodiguées çà et là dans toute la province, ni du nombre des vaisseaux, ni de la quantité du butin. Je ne parle pas des contributions en blé exigées avec rigueur, de la liberté ravie à des particuliers et à des peuples dont les priviléges étaient formels, et dont les droits ont été expressément garantis par la loi Julia. L’Étolie, entièrement séparée des nations barbares, se trouve située au sein de la paix, et presque au centre de la Grèce. O peste et fléau de nos alliés ! tu as perdu à ton départ cette malheureuse contrée. Tu avoues toi-même, et tu viens de le déclarer tout à l’heure, qu’Arsinoé, Stratos et Naupacte, villes célèbres et populeuses, ont été prises par les ennemis. Mais par quels ennemis ? Sans doute par ces infortunés que tu obligeas, aussitôt après ton arrivée à Ambracie, de quitter les villes des Agrians et des Dolopes, d’abandonner leurs dieux et leurs foyers. Dans cette fin de ton commandement, illustre « imperator », après avoir ajouté la ruine soudaine de l’Etolie à tes précédents ravages, tu congédias ton armée, et tu aimas mieux t’exposer aux peines dues à une semblable trahison, que de voir le petit nombre et les tristes restes de tes soldats.

[38] XXXVIII. Mais il faut vous montrer, pères conscrits, la parfaite ressemblance de deux épicuriens dans l’art militaire et dans le comman-