Aller au contenu

Page:Cicéron - Œuvres complètes, Nisard, 1864, tome III.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

réputation et notre sort ne dépendent pas de la sentence de quelques juges, mais de l’opinion de tous les citoyens ? Crois-tu donc n’être point condamné dans l’opinion publique, toi que les peuples alliés, libres ou tributaires, que les commerçants, que les fermiers de nos domaines, que tous les citoyens, que tes lieutenants et tes tribuns, que les restes de tes soldats échappés au glaive, à la famine et à la maladie, jugent digne de tous les supplices ? Doit-on regarder comme non condamné un homme qu’on ne peut justifier des plus grands crimes, auprès du sénat, auprès des chevaliers romains, auprès d’aucun ordre, ni dans Rome, ni dans toute l’Italie ? un homme qui n’ose confier sa cause à personne, qui craint tout le monde, qui se hait lui-même, qui lui-même se condamne ? Je n’ai jamais eu soif de ton sang ; je ne t’ai jamais souhaité cette punition, ce coup si redouté dont le juge et la loi peuvent frapper l’innocent comme le coupable ; mais Pison avili, méprisé, dédaigné par les autres, abandonné par lui-même et tourmenté de son désespoir, inquiet, alarmé au moindre bruit, toujours défiant et craintif, sans voix, sans liberté, sans considération, sans aucune ombre de dignité consulaire, frissonnant, tremblant, rampant devant tous : voilà ce que je voulais voir ; voilà ce que j’ai vu. Si donc tu éprouves le sort que tu crains, je n’en serai pas affligé, je le confesse ; mais si par hasard on tarde à te rendre justice, je jouirai toujours de ton profond abaissement ; je ne te verrai pas avec moins de satisfaction craindre d’être accusé, qu’accusé réellement, et je n’aurai pas moins de joie à te voir dans les transes continuelles d’un coupable, que si je te voyais dans l’humiliation passagère d’un accusé.


NOTES
SUR LE DISCOURS CONTRE L. C. PISON.

I. Syrum, nescio quem. Nom très-ordinaire d’esclave. Allusion à Gabinius.

Prætorem primum. Être nommé le premier, questeur, édile, préteur, c’était, parmi plusieurs concurrents, avoir le premier le nombre requis de suffrages. Il n’y avait que deux édiles ; voilà pourquoi l’orateur dit ædilem priorem.

II. Melioribus auctoribus reservari. Ménagement pour César, qui avait fait distribuer ce territoire. — In Rabirio. Le Discours pour Rabirius est le dix-huitième du recueil des discours. Voir au volume II.

III. Ludi compitalitii. Jeux compitaliens, jeux célébrés dans les carrefours (in compitis) en l’honneur des dieux qui président aux chemins et aux rues. On les avait abolis en 685, parce que c’était une occasion d’ameuter la populace et les esclaves qui se rassemblaient pour ces Jeux. — Quintus Métellus Celer, consul avec L. Afranius en 693, mourut sous le consulat de César et de Bibulus. — Magistros. Ceux qui présidaient aux jeux Compitaliens, en robe prétexte, robe des magistrats ; ils avaient même deux licteurs, suivant l’historien Dion.

IV. Lex Ælia et Fufia. Voir, sur ces deux lois, les notes des discours prononcés par Cicéron après son retour.

Cui… dederas tabulam prærogativæ. Mot à mot, à qui tu avais donné dans tes comices la première tablette de la prérogative. On appelait prérogative la centurie qui donnait la première son suffrage, et qui ordinairement entraînait toutes les autres. Les candidats remettaient à leurs meilleurs amis une tablette pour marquer le nombre des suffrages, de peur qu’il n’y eût de la fraude. Pison avait donné à Cicéron cette marque d’amitié, de le nommer le premier pour cet office dans les comices où il fut nommé consul.

VI. Coram genero meo. Caïus Pison, auquel Cicéron avait marié sa fille Tullia. — Foris esse. Être dehors, c’est-à-dire que, vu ses dettes énormes, Gabinius n’avait plus ni terres ni maisons ; où bien, quod non in sis, sed alienis pecunis esset.