Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.7.djvu/49

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devant un grand nombre de témoins : « Qu’il avait à sa dévotion un homme puissant(86), sous la protection duquel il pillait impunément la province ; que ce n’était pas pour lui seul qu’il amassait ; qu’il avait ainsi départi les trois années de sa préture, de manière à avoir fait encore de très-bonnes affaires, s’il pouvait garder pour sa part le produit de la première, donner à ses patrons et à ses défenseurs les revenus de la seconde, et enfin réserver à ses juges la moisson plus riche et plus abondante de toute la troisième ? » C’est ce qui m’a suggéré cette réflexion que j’énonçai naguère devant Man. Glabrion, au moment de la récusation des juges, et qui m’a semblé faire une vive impression sur le peuple, « Je pensais, ai-je dit, que les peuples étrangers allaient envoyer des ambassadeurs pour demander l’abolition de la loi et des tribunaux contre les concussionnaires. Ils sont en effet persuadés que, sans ces tribunaux, chacun se contenterait de voler ce qu’il croirait suffisant pour lui et pour ses enfants ; tandis qu’avec les tribunaux que nous avons, chacun croit devoir prendre assez pour qu’après lui, patrons, défenseurs, préteur, juges, puissent en avoir assez ; qu’ainsi les dilapidations n’ont plus de bornes ; que les provinces peuvent bien assouvir la cupidité du plus avide des hommes, mais non pas acheter son infâme triomphe devant les tribunaux. » Ô jugements mémorables ! ô brillante renommée de notre ordre(87) ! les alliés du peuple romain repoussent les jugements sur les concussions, qui furent établis dans leur intérêt par nos ancêtres. Verrès aurait-il pu concevoir quelque bonne espérance, s’il n’avait toujours eu de vous la plus mauvaise opinion ? Ce devrait être un motif de plus pour vous le rendre plus odieux qu’au peuple romain,