Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/281

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grâce à la cherté des blés, il avait retirées de ses approvisionnemens. Aussi, Verrès, je ne vous conteste pas les bénéfices que vous avez pu faire légalement : c’est de vos injustices que je me plains, de vos prévarications que je vous accuse, de votre cupidité que je vous fais un crime devant la justice.

Si vous donnez à entendre que ce chef d’accusation peut atteindre plus d’un préteur, intéresser plus d’une province, ce moyen de défense ne m’arrêtera point : je me déclarerai le défenseur de toutes les provinces. Car, je le dis, et je le dis hautement, partout où cela s’est fait, on s’est rendu criminel ; et quiconque a tenu la même conduite, est digne de châtiment.

xx XCIV. Au nom des dieux immortels, voyez, juges, considérez de quelle conséquence peut être dans l’avenir la sentence que vous allez rendre. Beaucoup de magistrats, sous le prétexte de leur approvisionnement, ont, à l’exemple de Verrès, forcé les villes et les laboureurs de leur payer des sommes immenses (je dis beaucoup, quoique je n’en connaisse pas d’autre que Verrès ; mais je veux bien vous accorder que le nombre en est grand) : vous voyez dans la personne de l’accusé ce délit déféré à la justice. Que pouvez-vous faire ? Vous, juges établis pour réprimer le péculat et les concussions, laisserez-vous impunie une malversation si révoltante ? Et, quand c’est dans l’intérêt de nos alliés que la loi a été faite, refuserez-vous d’accueillir les doléances de nos alliés ? Eh bien ! j’y consens encore, fermez les yeux sur le passé, si tel est votre vouloir ; mais ne détruisez point les espérances de l’avenir, ne ruinez pas toutes les provinces. La cupidité, jusqu’à ce jour, suivait des routes étroites et détournées :