Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/325

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vous avez pensé qu’on souffrirait impunément qu’un préteur, un général ait acheté tant d’objets si précieux, que dis-je, tout ce qui pouvait avoir quelque prix, dans toute l’étendue de sa province ?

V. Admirez, juges, la sollicitude de nos ancêtres qui, bien qu’ils fussent loin de soupçonner de pareils excès, prévoyaient néanmoins jusqu’aux moindres abus. Ils n’imaginaient pas qu’aucun Romain envoyé dans une province, comme préteur ou comme lieutenant, fût assez déraisonnable pour y acheter de l’argenterie, l’état en fournissait (13) ; des meubles, les lois y avaient pourvu ; mais un esclave, la chose leur parut possible : il n’y a personne qui n’en ait besoin, et l’état n’en fournit point. Ils décrétèrent donc que nul n’achèterait d’esclave qu’en remplacement d’un esclave mort (14). Mort à Rome ? point du tout, sur le lieu même ; car leur intention n’était pas qu’un préteur s’occupât de monter sa maison dans son département, mais seulement qu’il y pût réparer la perte des objets qui sont d’un usage indispensable. Et pourquoi tant de précautions pour nous empêcher de rien acheter dans nos provinces ? Juges, en voici la raison : c’est qu’ils pensaient qu’il y a extorsion, et non point achat, toutes les fois que le vendeur n’est pas libre de vendre à son gré ; ils sentaient que, si dans les provinces un homme revêtu à la fois de l’autorité militaire et civile avait la volonté et le pouvoir de tout acheter chez ses administrés, il arriverait que chaque magistrat enlèverait tout ce qui serait à sa convenance, fût-ce à vendre ou non, et cela au prix qu’il voudrait. Ou médira : Ne traitez donc pas Verrès avec cette rigueur ; ne jugez pas sa conduite d’après les principes sévères de nos aïeux ; passez-lui tous ses achats, pourvu qu’il ait