Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/355

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déré que Sisenna ; il s’approcha de l’argenterie, se mit à examiner, à considérer à loisir chacune des pièces les unes après les autres. Les uns admiraient la maladresse avec laquelle, dans le cours d’un procès pour fait de cupidité, il prenait comme à tâche de fortifier tous les soupçons ; les autres ne concevaient pas cette étrange apathie qui, à la veille d’un jugement, après que tant de témoins avaient déposé contre lui, lui permettait encore de s’occuper de ces bagatelles. De leur côté, les esclaves de Sisenna, qui avaient entendu parler de tout ce qu’on imputait à Verrès, eurent soin de ne pas le perdre de vue, et de veiller de près à l’argenterie.

Le talent d’un juge éclairé consiste à tirer des inductions des moindres circonstances, pour découvrir dans chacun quelle est sa passion dominante, et de quels excès elle peut le rendre capable. Or, si un homme accusé légalement, renvoyé à trois jours pour le prononcé de sa sentence, déjà condamné, sinon de fait, du moins par l’opinion publique, n’a pu s’abstenir, au milieu d’une très-nombreuse assemblée, de toucher à l’argenterie de Sisenna, de l’examiner pièce à pièce, croira-t-on que, dans une province où il était préteur, il ait pu être assez maître de lui pour ne pas convoiter et prendre l’argenterie des Siciliens ?

XVI. Mais terminons cette digression, pour retourner à Lilybée. Gendre de ce même Pamphile à qui Verrès avait dérobé une aiguière, Dioclès, surnommé Popillius, avait laissé toute sa vaisselle exposée sur ses buffets : Verrès l’emporta. Qu’il dise qu’il l’a achetée ; car ici le vol est si considérable, que je ne doute pas qu’il ne l’ait inscrite sur ses registres à titre d’acquisition. En effet, Timarchide fut chargé d’estimer cette vaisselle ; mais