Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/383

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son service. Ayant enrôlé cette multitude prodigieuse de travailleurs, pendant huit mois entiers il ne leur laissa pas manquer d’ouvrage, et pourtant il ne les occupa que sur des vases d’or. Les ciselures qu’il avait détachées des plats et des encensoirs furent, par son ordre, appliquées à des coupes et à des vases de ce métal, et incrustées avec tant d’adresse et de goût, qu’on eût dit qu’elles n’avaient jamais eu d’autre destination. C’était pourtant ainsi que ce préteur, qui s’est vanté d’avoir, par sa vigilance, maintenu la paix en Sicile, passait la plus grande partie du jour assis dans son atelier, en tunique brune et en manteau grec (51).

XXV. Je n’oserais, juges, entrer dans ces détails, si je ne craignais de vous entendre dire que vous en avez plus appris sur Verrès par la voix publique qu’ici par la bouche de son accusateur. Qui en effet n’a ouï parler de cet atelier, et de ces vases d’or, et de son manteau, et de sa tunique brune ? Nommez tel honnête homme que vous voudrez parmi nos Romains établis à Syracuse, je le ferai comparaître ; il ne s’en trouvera pas un qui ne déclare avoir vu, ou du moins avoir entendu tout ce que je viens de vous dire. Ô temps ! ô mœurs ! Le fait que je vais citer n’est pas fort ancien. La plupart d’entre vous, juges, ont connu L. Pison, père de celui que vous avez vu préteur (52). Pendant sa préture en Espagne, où il fut tué, il arriva, je ne sais comment, qu’en faisant des armes, son anneau d’or se brisa. Voulant s’en procurer un autre, il fit venir un orfèvre auprès de son tribunal, dans le forum de Cordoue, et là, il pesa, en présence de tout le monde, une certaine quantité d’or. Il commanda ensuite à cet homme de s’établir sur la place, et de lui faire un anneau sous les yeux de tout le monde.