Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/385

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Peut-être sa délicatesse semblera-t-elle outrée ; qu’on la blâme, si l’on veut. Mais à qui devrait-on mieux passer cet excès de probité ? car il était fils de ce L. Pison, qui fut le premier auteur de la loi contre les concussionnaires. Il est ridicule de parler de Verrès après avoir cité Pison l’honnête homme : je ne puis néanmoins m’empêcher de vous faire remarquer le contraste. L’un, en faisant fabriquer assez de vases d’or pour garnir plusieurs buffets, ne s’embarrasse point de ce qu’on en pourra dire, non-seulement en Sicile, mais à Rome, et même devant les tribunaux. L’autre, pour une demi-once d’or, veut que toute l’Espagne sache d’où provient l’anneau du préteur. C’est ainsi qu’ils ont justifié, l’un son nom, l’autre son surnom.

XXVI. Dans l’impossibilité où je suis de me souvenir de toutes ses rapines, encore moins de les retracer dans ce discours, je m’efforce seulement de vous donner une idée sommaire de chaque espèce de vol. Ici, par exemple, l’anneau de Pison m’en a rappelé un qui m’était entièrement échappé (53). A combien d’honnêtes gens croyez-vous que Verrès ait arraché l’anneau d’or qu’ils portaient au doigt ? Jamais il n’y a manqué lorsque la pierre ou la forme d’un anneau lui avait plu. Je vais vous conter un fait incroyable, et pourtant si connu, que lui-même ne le niera pas, je pense. Valentius, un de ses agens, avait reçu une lettre d’Agrigente ; Verrès remarqua par hasard l’empreinte du cachet ; il le trouva beau. D’où vient cette lettre ? dit-il. D’Agrigente, répondit Valentius. Aussitôt il mande à ses correspondans de lui envoyer ce cachet sans aucun retard. L’ordre arrive, et un père de famille, un citoyen romain, L. Titius, voit son anneau détaché de son doigt. Mais chez lui, juges, il est une autre passion qui