Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne se conçoit pas davantage. Quand il aurait voulu, dans chacune des salles à manger (54) qu’il possède tant à Rome que dans ses maisons de plaisance, placer trente lits bien ornés avec toutes les autres décorations des festins, il ne pourrait jamais y faire entrer ce qu’il a amassé en ce genre ; car il n’est pas de maison opulente dans la Sicile dont il n’ait fait une manufacture à son usage.

Il y a, dans Ségeste, une femme très-riche et d’une grande naissance, nommée Lamia : pendant trois ans, dans sa maison encombrée d’étoffes, l’on a fabriqué des tapis, et tous étaient de couleur pourpre (55). Attale, homme très-opulent, n’a pas eu d’autre occupation à Netum ; Lyson, à Lilybée ; Critolaùs, à Enna ; Æschrion, Cléomène, Théomnaste, à Syracuse ; Archonide, Mégiste, à Élore : la voix me manquerait plus tôt que les noms. On me dira que Verrès fournissait la pourpre, et que la main-d’œuvre seule était au compte de ses amis. J’aime à le croire ; car je ne prétends pas le trouver coupable sur tous les points. Eh ! n’est-ce pas assez, pour que je l’accuse, d’avoir pu fournir cette quantité prodigieuse d’étoffes ; d’avoir voulu emporter avec lui tant de meubles ; d’avoir enfin, et lui-même en convient, imposé pour cette fantaisie tant de travaux à ses amis ? Et ces lits de bronze, ces candélabres d’airain, pour quel autre que pour lui, pendant les trois années de sa préture, en a-t-on fabriqué dans Syracuse ? Il les a payés ; soit. Mais, juges, je vous en ai dit assez sur ce qu’il a fait dans sa province, pour qu’on ne le soupçonne pas de s’être oublié lui-même, ni d’avoir négligé le soin de son ameublement pendant qu’il était revêtu de l’autorité prétorienne.