Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/481

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nant une somme, et une modique somme, vendu et aliéné des objets qu’ils tenaient de leurs ancêtres. On ne saurait, je le répète, se figurer combien les Grecs attachent d’importance à toutes ces choses, qui pour nous ont si peu de prix. Aussi nos ancêtres les laissaient-ils volontiers aux villes alliées, pour que, sous notre empire, elles conservassent toute leur opulence et leur splendeur. Ils permettaient même aux peuples qui n’étaient que leurs tributaires de garder ces curiosités à nos yeux si frivoles, et pour eux si précieuses, afin qu’ils y trouvassent une consolation et un amusement dans leur esclavage.

Et quelle somme pensez-vous que demanderaient les habitans de Rhegium, aujourd’hui citoyens romains, pour se laisser enlever leur Vénus de marbre ? Et les Tarentins, pour se dessaisir de leur taureau enlevant Europe, du satyre qui se voit dans leur temple de Vesta, et de tant d’autres chefs-d’œuvre ? Quels trésors ne sacrifieraient pas les Thespiens pour le Cupidon (92) qui seul attire les étrangers dans leur ville ? les Cnidiens, pour leur Vénus de marbre ? Cos, pour son tableau de cette déesse ? Ephèse, pour son Alexandre ? Cyzique, pour son Ajax ou sa Médée ? Rhodes, pour son Ialysus ? Les Athéniens enfin, pour leur Bacchus de marbre, le portrait de leur Paralus (92*), et leur génisse en bronze, ouvrage de Myron ? Il serait trop long et bien peu nécessaire d’énumérer ici tout ce que la Grèce et l’Asie offrent de curieux dans chacune de leurs villes. Ce que j’en ai cité n’est que pour vous faire concevoir la douleur inexprimable de ceux qui voient dépouiller leur patrie de ces ornemens.