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Page:Cicéron - Œuvres complètes - Panckoucke 1830, t.8.djvu/79

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édit inique et sans exemple. Qui jamais s’avisa de changer toutes les lois et toutes les coutumes pour n’en recueillir que du blâme sans profit ? Je vais plus loin : vous n’adjugiez les dîmes en vertu d’une loi inique, que pour les affermer au delà de leur valeur. Pourquoi, après l’adjudication et la vente des dîmes, lorsqu’on ne pouvait plus en augmenter le prix, mais seulement vos profits, voyait-on naître tout à coup et au gré des circonstances de nouveaux édits ? car on vous a vu successivement permettre au décimateur de traduire les laboureurs en justice partout où il voudrait, défendre à ceux-ci d’enlever leurs blés avant d’avoir transigé, et leur ordonner de conduire leurs grains au bord de la mer avant les kalendes de juillet. Toutes ces ordonnances, rendues après l’adjudication des dîmes, sont, je le soutiens, de la troisième année de votre préture. Si vous n’aviez eu en vue que l’intérêt de la république, ces édits auraient paru au moment même des enchères ; mais comme c’était pour votre avantage personnel que vous agissiez, ce que vous aviez omis par mégarde, vous saviez toujours le réparer, averti par votre intérêt et par la circonstance. À qui prouvera-t-on que, sans profit, sans un très-grand profit, vous vous soyez exposé légèrement à tant d’infamie et à de tels risques pour votre fortune et votre existence ? Lorsque chaque jour vous entendiez les gémissemens et les réclamations de la Sicile, que vous vous attendiez, et c’est vous-même qui l’avez dit, à être mis en accusation, qu’enfin vous n’étiez pas sans inquiétude sur l’issue de ce procès, auriez-vous souffert gratuitement que les laboureurs fussent vexés, tyrannisés, pillés avec tant d’indignité ? Certes, malgré votre cruauté et votre audace sans exemple, vous n’auriez pas cependant voulu soulever contre vous toute la pro-