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CICÉRON.

trième rang, le plus élevé de tous, inaccessible majeure. La nature l’occupe, ce rang-là : et puisqu’elle préside à tout, sans que rien balance son pouvoir, il faut que l’intelligence et la sagesse même soient comptées parmi les attributs de l’univers. Quelle plus grande ignorance, que de disputer à la nature une suprême perfection ? ou de dire qu’étant infiniment parfaite, elle n’est pas animée, raisonnable, prudente, sage ? Pourrait-elle, sans réunir toutes ces qualités, être infiniment parfaite ? Car enfin, si elle n’a rien de plus que les plantes, ni que les bêtes, la voilà confondue avec les êtres les plus vils. Et si dès le commencement elle n’a possédé que la raison sans y joindre la sagesse, le monde est de pire condition que l’homme : car un homme qui n’est pas sage peut le devenir ; mais le monde certainement ne le deviendra jamais, supposé qu’il ne l’ait pas été durant cette infinité de siècles qui ont déjà coulé. Pour ne pas dire une chose si absurde, reconnaissons que de toute éternité le monde est sage, et que par conséquent il est Dieu, puisqu’il n’existe rien, hors lui seul, qui rassemble toutes sortes de perfections.

XIV. Comme l’étui, dit très-bien Chrysippe, est fait pour le bouclier, et le fourreau pour l’épée ; aussi toutes choses, excepté l’univers, sont faites l’une pour l’autre : les fruits de la terre pour les animaux, les brutes pour l’homme, le cheval pour voiturer, le chien pour la chasse et pour la garde ; mais l’homme pour contempler et imiter l’univers. L’homme n’est nullement parfait lui-même, mais c’est une parcelle de l’être parfait, lequel n’est autre que l’univers, puisqu’il renferme tout, et (pie rien n’existe qui ne soit dans lui. Que peut-il donc lui manquer ? Concluons que l’intelligence et la raison étant les qualités les plus désirables, elles ne lui manquent point. Chrysippe remarque aussi, et. le montre par des similitudes, que les choses qui sont dans leur étal de perfection et de maturité ont, de grands avantages sur celles qui n’y sont pas encore : le cheval, par exemple, sur le poulain ; le chien qui a sa juste grandeur, sur celui qui ne i a pas, l’homme sur l’enfant. D’où il conclut que les perfections de l’univers doivent être dans leur degré le plus liant. Et comme la vertu est ce qu’il y a de meilleur, il faut q l’elle soit le partage de l’univers, qui est ce qu’il y a de plus accompli. Puisqu’elle n’excède pas même la portée des hommes, tout imparfaits qu’ils sont, ne doit-elle pas bien plus aisément se trouver dans l’univers ? S’il est donc vertueux, il est sage, et par conséquent il est Dieu.

XV. Au reste, la divinité que nous venons de reconnaître dans le monde doit être pareillement reconnue dans les astres, qui sont formés de ce que l’éther a de plus pur et de plus mobile, sans mélange d’autre matière ; et qui n’étant (pie chaleur et qu’éclat, liassent avec raison pour être animés, sensitifs et intelligents. Selon Cléanthe, nous sommes assurés par deux de nos sens, le toucher et la vue, que les astres sont des corps ignés. Car le soleil jette une lumière qui passe