Page:Cicéron - Œuvres complètes Nisard 1864 tome 4.djvu/297

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dans le ciel, et peu à peu la lune venir se plonger dans l’ombre de la terre, au moment même où le soleil du côté opposé… (LACUNE).

XV Scipion… J’étais moi-même fort attaché à Gallus, et je savais que Paul-Émile, mon père, l’avait singulièrement apprécié et beaucoup aimé. Je me souviens que dans ma première jeunesse, lorsque mon père commandait les armées romaines en Macédoine, une nuit que nous étions dans les camps, toutes nos légions furent frappées d’une terreur religieuse, parce que la lune, alors dans tout son éclat, s’était soudainement obscurcie. Gallus, qui dans cette campagne était le lieutenant de mon père, une année environ avant son consulat, n’hésita pas à déclarer le lendemain aux légions qu’il n’y avait eu aucun prodige, que ce phénomène était dans l’ordre de la nature et se reproduirait à des époques réglées, toutes les fois que le soleil se trouverait situé de manière à ne pouvoir éclairer la lune de ses rayons. — Mais c’est une vraie merveille, dit Tubéron ; comment Gallus a-t-il pu faire comprendre cette explication à des hommes grossiers ? comment a-t-il osé braver la superstition de ces soldats ignorants ? Il l’a fait, reprit Scipion, et avec une grande… (LACUNE)….. Point de vaine ostentation, point de langage indigne d’un homme grave ; et ce n’était pas un médiocre succès que d’affranchir ces esprits troublés et superstitieux de leur folle terreur.

XVI. Il arriva quelque chose d’assez semblable pendant la longue guerre que se firent les Athéniens et les Lacédémoniens avec un si terrible acharnement. On nous rapporte que Périclès, qui par son crédit, son éloquence et son habile politique, était devenu le chef d’Athènes, voyant ses concitoyens consternés d’une éclipse de soleil qui les avait plongés dans des ténèbres subites, leur expliqua ce qu’il avait appris lui-même de son maître Anaxagore, qu’un pareil phénomène est dans l’ordre de la nature et se reproduit à des époques déterminées, lorsque le disque de la lune s’interpose tout entier entre le soleil et nous ; et que s’il n’est pas amené à chaque renouvellement de la lune, il ne peut toutefois avoir lieu qu’à l’époque précise où la lune se renouvelle. Périclès décrivit aux Athéniens tous ces mouvements astronomiques ; il leur en fit comprendre la raison, et dissipa leur terreur ; l’explication des éclipses de soleil par l’interposition de la lune était alors assez nouvelle et peu répandue. Thalès de Milet est, dit-on, le premier qui la proposa. Plus tard elle ne fut pas inconnue à notre poète Ennius, puisqu’il dit que vers l’an 350 de la fondation de Rome, aux nones de juin, le soleil fut dérobé aux hommes par la lune et les ténèbres. Aujourd’hui l’habileté des astronomes et la justesse de leurs calculs vont si loin, qu’à partir de ce jour, indiqué par Ennius et consigné dans les Grandes Annales, ils ont supputé toutes les éclipses de soleil antérieures jusqu’à celle des nones de juillet, arrivée dans le règne de Romulus, et qui répandit sur la terre cette nuit soudaine pendant laquelle le fondateur de Rome, enlevé au monde, subit probablement la loi commune, mais put aux yeux du vulgaire passer pour avoir été ravi au ciel par sa vertu surhumaine.

XVII. Tubéron l’interrompit : Ne voyez-vous