PARTIE DE LA CRITIQUE
Théorie épicurienne de la vertu.
Le souverain bien.
CHAPITRE XII.
LA RAISON PEUT SEULE JUGER DU SOUVERAIN BIEN.
Les sens mêmes, dit Épicure, jugent que la volupté est le bien, et que la douleur est le mal. C'est là attribuer aux sens plus d'autorité qu'il ne leur appartient. Lorsque les lois nous font juges des affaires privées, nous ne pouvons juger que de ce qui est de notre compétence ; et c'est inutilement que le juge, en prononçant une sentence, a coutume de dire : s'il m'appartient d'en juger ; car, si la cause est hors de sa compétence, rien n'est jugé quand même il ne le dirait pas. Quelles sont les choses soumises au jugement des sens ? ce qui est doux ou amer, poli ou rude, proche ou éloigné, mobile ou immobile, rond ou carré.
Mais quelle sentence prononcera donc la raison, avec la science des choses divines et humaines qui est la véritable sagesse, et avec les vertus que la raison regarde comme les maîtresses de tout, et que vous faites les suivantes et Ies servantes de la volupté ? Elle prononcera sans doute, premièrement qu'il ne doit point être ici question de la volupté, non-seulement pour être mise sur le trône du souverain bien, mais non pas même pour y avoir aucune place à côté de l'honnêteté. Elle n'accordera non plus aucune prééminence, ni à l'opinion d’Hiéronyme, ni à celle de Carnéade, et jamais elle n'approuvera