CHAPITRE XXXIII.
IL EXISTE DES PLAISIRS SUPÉRIEURS AUX PLAISIRS DU CORPS ET QUI N'EN PROVIENNENT PAS.
Quand vous affirmez que tous les plaisirs et toutes les douleurs de l'esprit tiennent aux plaisirs et aux douleurs du corps, comment pouvez-vous le soutenir ? Quoi, Torquatus ! car je sais à qui je parle, ne prenez-vous jamais plaisir à rien qui n'ait rapport au corps, et rien ne vous fait-il plaisir par soi-même ? Je ne parle plus de la gloire, de l'honneur, de la beauté, même de la vertu : voici des choses bien plus légères. Quand vous composez un poème ou un discours ; quand vous écrivez, quand vous lisez ; quand vous parcourez en esprit les événements et les pays divers ; que dis-je ? une statue, un tableau, un beau lieu, une fête, une chasse, la maison de plaisance de Lucullus (car si je disais la vôtre, vous auriez un faux-fuyant ; vous diriez qu'il y a ici quelque chose de corporel), tout cela enfin, le rapportez-vous purement au corps, et n'y trouvez-vous rien qui vous fasse de soi-même quelque plaisir ?
Ou vous serez très-opiniâtre, si vous persistez à soutenir que tout ce que je viens de vous marquer se rapporte au corps ; ou, si vous avouez que non, il faut que vous renonciez à toute la doctrine d'Épicure sur la volupté.
Les plaisirs et les peines de l'esprit, dites-vous encore, sont au-dessus des peines et des plaisirs corporels, parce que l'esprit embrasse le présent, le passé et l'avenir, et que le corps ne jouit que du présent ; mais comment pourriez-vous me prouver que celui qui se réjouit de quelque chose pour l'amour de moi, en ait plus de joie que moi-même ? La volupté de l'esprit, dites-vous, vient de la volupté du corps, et elle