Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/161

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CHAPITRE XXXIV.

Il EXISTE UNE FIN SUPÉRIEURE AU PLAISIR, ET QUE LA PENSÉE DE L'HOMME DOIT POURSUIVRE.

S'il fallait rapporter uniquement toutes choses à la volupté, sans doute les bêtes l'emporteraient de beaucoup sur nous ; puisque la nature, d'elle-même, et sans qu'il leur en coûte rien, leur fournit abondamment tout ce qu'il faut pour leur nourriture, et que nous, avec beaucoup de travail, nous avons à peine ce qui suffit pour la nôtre. Je ne pourrai donc jamais croire que le souverain bien des hommes et des bêtes soit le même. Si nous ne devons avoir, comme elles, que la volupté pour objet, qu'est-il besoin de ces longues et sublimes études, de ce concours de nobles connaissances, de ce cortège de vertus ?

C'est à peu près comme si Xerxès, après avoir réuni tant de vaisseaux et tant de troupes de cavalerie et d'infanterie, après avoir fait un pont de bateaux sur l’Hellespont et percé le mont Athos, voyagé à pied sur les flots et navigué à travers la terre, se trouvant au milieu de la Grèce envahie de tous côtés par ses armes, eût répondu à quelqu'un qui lui aurait demandé la cause d'une si grande expédition et d'une guerre si terrible, qu'il était venu chercher du miel du mont Hymette. N'eût-on pas trouvé qu'un tel motif n'exigeait pas tant d'appareil et tant d'efforts ? Et nous aussi, après avoir travaillé à rendre le sage accompli en toutes sortes de connaissances et de vertus, non pour qu'il traverse la mer à pied comme Xerxès, ni pour qu'il ouvre une montagne à ses flottes, mais pour qu'il embrasse par la pensée tout le ciel, toute