leurs, à donner ou à reprendre à son gré le sentiment : d’où tu dois comprendre combien il est essentiel d’avoir égard au mélange, à l’arrangement et aux mouvements réciproques des atomes, puisque les mêmes éléments dont résultent le ciel, la mer, la terre, les fleuves et le soleil concourent aussi à former les grains, les arbres et les animaux. Ainsi, dans ces vers, l’ordre et la combinaison des lettres sont essentiels, parce que les mots, composés en partie des mêmes éléments, ne diffèrent que par l’arrangement. Il en est de même des corps de la nature : change les distances, les directions, les liens, les pesanteurs, les chocs, les rencontres, l’ordre, l’arrangement et la figure des atomes, lu auras des résultats différents.
Maintenant, ô Memmius ! prête l’oreille à la voix de la philosophie. Elle va te faire entendre des vérités inconnues et exposer à tes yeux un nouvel ordre de choses. Comme il n’y a pas d’opinion si simple qui ne soit difficile à adopter au premier abord, il n’y a pas non plus d’objets si admirables qui ne cessent avec le temps de nous surprendre : ainsi le pur et brillant azur des cieux et la lumière errante des astres, la lune et le disque pompeux du soleil, si pour la première fois ils se présentaient aux regards des mortels, que pourrait offrir la nature de comparable à ce spectacle, et qui d’entre eux eût osé le croire possible ? Aucun assurément : telle serait l’admiration dont les frapperait la vue de ces merveilles. Cependant nous en sommes rassasiés : à peine daignons-nous jeter un coup d’œil sur la voûte brillante des cieux. Ainsi, Memmius ! la nouveauté des objets que je t’offre, au lieu de te rebuter, doit réveiller ton attention, afin de peser mes idées, de les embrasser si elles sont vraies, et de t’armer contre elles si elles sont fausses. J’examine ce qu’il y a au delà des limites de notre monde dans ces immenses régions où l’esprit, libre d’entraves, aime à s’égarer sur les ailes de l’imagination.
Je l’ai déjà dit, ce grand tout est infini : à droite, à gauche, au-dessus de ta tête, au-dessous de tes pieds, il n’y a point