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Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/314

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elle les foule mollement aux pieds, les agace par des morsures innocentes, les happe doucement et sans appuyer la dent, le tendre murmure de sa voix ne ressemble ni aux hurlements plaintifs par lesquels elle déplore sa solitude, ni aux accents douloureux avec lesquels elle fuit en rampant le châtiment qui la menace. Enfin les volatiles, les oiseaux de toute espèce, l’épervier, l’orfraie, le plongeon qui cherche sa nourriture au fond de la mer, varient tous leurs cris selon les circonstances, surtout quand ils disputent leur subsistance ou qu’ils défendent leur proie. Il y en a même dont la voix rauque change avec les saisons : telles sont les corneilles vivaces et ces troupes de corbeaux dont les croassements annoncent et appellent, suivant l’opinion commune, les vents, la pluie et les orages. Si donc les différentes sensations des animaux leur font proférer des sons différents, tout muets qu’ils sont, combien n’est-il pas plus naturel que l’homme ait pu désigner les divers objets par des sons particuliers ?

Maintenant, ô Memmius ! pour prévenir une question que tu me fais peut-être intérieurement, sache que c’est la foudre qui a apporté le feu sur la terre, qu’elle est le foyer primitif de toutes les flammes dont nous jouissons. On voit souvent encore aujourd’hui des corps embrasés par les feux célestes, quand l’air orageux lance ses flammes sur la terre. Cependant, comme il arrive que des arbres touffus agités par les vents s’échauffent en heurtant les branches d’arbres voisins, au point que le choc, devenant plus fort, fait jaillir des étincelles et quelquefois des feux ardents au milieu de ce frottement mutuel des rameaux, on peut assigner au feu ces deux origines.

Ensuite les hommes, voyant les rayons du soleil adoucir et mûrir toutes les productions terrestres, essayèrent de cuire et d’amollir leurs aliments par l’action de la flamme : et ceux dont le génie était plus inventif et l’esprit plus pénétrant, introduisaient tous les jours, par le moyen du feu, de nouveaux changements dans la nourriture et l’ancienne manière de vivre.

Alors les rois commencèrent à bâtir des villes et à construire des forteresses pour y trouver leur défense et leur asile ; ce furent eux qui réglèrent le partage des troupeaux et des terres, à proportion de la beauté, de la force du corps et des qualités de l’esprit : car ces avantages naturels étaient