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DES SUPRÊMES BIENS ET DES SUPRÊMES MAUX.

ment dépourvus d’instruction, ne peuvent souffrir qu’on s’applique à la philosophie. Les autres ne la désapprouvent pas à ce point, pourvu qu’on s’en occupe avec modération ; mais ils voudraient qu’on y consacrât un peu moins d’étude et de peine. Il y en aura d’autres qui, sachant le grec et méprisant leur propre langue, diront qu’ils aiment mieux prendre la peine de lire les grecs. Enfin, je n’en doute point, quelques-uns me rappelleront à d’autres études : ce genre d’écrire, diront-ils, quel qu’en soit le charme, ne convient pas assez à votre rang et à votre caractère.

Il ne sera pas inutile, je crois, de répondre à chacun d’eux en particulier. Il est vrai que j’ai déjà suffisamment répondu aux ennemis de la philosophie dans ce livre où je l’ai défendue hautement contre les reproches et les accusations d’Hortensius[1]. Mon livre ayant eu votre approbation et celle des personnes que j’ai crues pouvoir en juger, j’ai entrepris de continuer, de peur de paraître exciter seulement la curiosité des hommes, sans être capable de la retenir. Quant à ceux qui permettent de s’adonner à la philosophie, mais sobrement, ils demandent une modération très-difficile dans une étude qui, une fois entreprise, ne peut plus être retenue ni réprimée. Ainsi, ceux même qui veulent nous éloigner tout à fait de la philosophie sont, jusqu’à un certain point, plus équitables que ceux qui veulent donner des limites à une

    le τέλος ou le finis conçu comme le terme suprême auquel vient se rattacher toute la série des biens, quoi de plus naturel que de supposer un autre terme placé, en quelque sorte, à l’autre bout de la série, et auquel viendraient se rapporter tous les maux ? L’idée de suprême bien appelle logiquement l’idée contraire de suprême mal. Voir à ce sujet Académiques, II, ch. xlii : « Fines constituendi sunt ad quos et bonorum et malorum summa referatur. » Par suprême mal Cicéron n’entend pas d’ailleurs un mal réel qui existerait en dehors de la pensée humaine et s’opposerait à la réalisation du bien ; il entend simplement la notion logiquement contraire à celle du bien suprême. Le finis bonorum, c’est ce que, dans notre conduite, nous devons poursuivre à tout prix ; le finis malorum, c’est ce que nous devons à tout prix éviter : « Quid sequatur natura ut summum ex rebus expetendis, quid fugiat ut extremum malorum.. » (l, iv.) En résumé, le titre de Cicéron est parfaitement plausible et peut être rendu assez exactement en français..

  1. Ce livre avait pour titre : Hortensius (v. De divinat., II ; Tusc, , Il et III). Il a été perdu.