Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/94

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par absence de douleur : cependant, si vous n'êtes fort opiniâtre, vous devrez convenir nécessairement qu'avoir de la volupté, et n'avoir point de douleur, sont deux choses fort différentes. - Je serai donc opiniâtre en cela, reprit-il, car je tiens que ce n'est que la même chose.

- Dites-moi, je vous prie, lui dis-je, un homme qui a soif a-t-il du plaisir quand il boit ? - Qui peut en douter ? - A-t-il le même plaisir quand la soif est apaisée ? - Non ; c'est une autre sorte de plaisir : car, lorsqu'il a étanché sa soif, il est dans la stabilité de la volupté ; et quand il l’étanche, il est dans le mouvement de la volupté. - Pourquoi appelez-vous donc d'un même nom des choses si différentes ? - Avez-vous donc déjà oublié ce que j'ai dit, que, dès qu'on n'a plus de douleur, la volupté peut bien recevoir quelque variété ; mais de l’accroissement, non ? - Je m'en souviens ; vous vous êtes expliqué en termes très-purs, mais ambigus ; car le mot de variété se dit, au propre, de plusieurs couleurs, et se transporte à beaucoup d'autres idées différentes. On le dit d'un poème et d'un discours, on l'applique aux mœurs et à la fortune, et on l'applique aussi à la volupté, lorsqu'on reçoit de la volupté de plusieurs choses différentes qui peuvent en procurer. Si vous me disiez que c'est de cette variété-là que vous voulez parler, je vous entendrais ; et même je vous entends sans que vous me le disiez. Mais je ne saurais comprendre ce que vous entendez par variété lorsque vous dites que, quand on est sans douleur, on est dans une extrême volupté ; et que, quand par exemple on mange quelque chose qui plaît, la volupté est alors en mouvement : ce qui fait bien une variété de volupté, mais qui n’