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Page:Cicéron - Des suprêmes biens et des suprêmes maux, traduction Guyau, 1875.djvu/98

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grec, prenez garde que, si je n'entendais pas ce qu'Épicure a voulu dire, ce ne fût sa faute, pour avoir voulu s'exprimer d'une manière inintelligible. C’est ce qui arrive dans deux circonstances, sans qu'on y trouve à redire : l'une, quand on s'exprime tout exprès obscurément, comme on dit que fit Héraclite, qu'on surnomme l'obscur ou le ténébreux parce qu'il avait parlé très-obscurément des choses de la nature ; l'autre, quand l'obscurité d'une matière, et non pas celle des paroles, fait qu'on n'entend pas toujours, comme dans le Timée de Platon. Pour Épicure, il me paraît qu'il a parlé le plus intelligiblement qu'il a pu, et qu'il n'a parlé ni de quelque chose d'obscur, comme les physiciens, ni de quelque chose de subtil, comme les mathématiciens, mais d'un sujet facile, clair et connu de tout le monde. Je vois bien cependant qu'au fond vous ne niez pas que je comprenne ce que veut dire volupté, mais seulement ce qu'Épicure a voulu dire par ce mot. Alors ce n'est pas moi qui ne sais pas le sens du mot ; c'est lui qui a voulu parler à sa manière, et qui s'est peu soucié de l'usage. S'il a voulu dire la même chose qu'Hiéronyme, qui soutient que le souverain bien est de vivre sans douleur, pourquoi le met-il dans la volupté, et non pas dans l'absence de la douleur, comme ce philosophe, qui du moins entend ce qu'il dit ? S'il croit qu'il faille y joindre aussi cette volupté qu'il appelle volupté en mouvement (car c'est le nom qu'il donne à une sensation agréable, et il appelle volupté stable l'absence de la douleur), quel est son but, puisqu'il est impossible qu'un homme qui se connaît lui-même, c'est-à-dire qui sent ses propres sensations, regarde l'absence de la douleur et la volupté comme une seule et même chose ? C'est vouloir faire violence à nos sens, Torquatus, que de vouloir arracher de nos esprits la notion attachée aux termes consacrés