Page:Cirbied - Grammaire de Denys de Thrace, 1830.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
VIII

Les premiers législateurs furent, pour la plupart, orateurs ou poètes. A l’autorité qu’ils avaient acquise pour gouverner les peuples, ils joignirent un autre pouvoir encore plus sûr, celui de les conduire, de les subjuguer par la parole ; ils composaient en vers toutes leurs lois ; ils les mettaient en musique ; et, afin d’en propager la connaissance, il les faisaient chanter dans les places publiques et dans tous les endroits où l’on se réunissait pour célébrer les jeux ; les chanteurs ambulants achevaient la promulgation.

La profession de ces hommes consistait à courir le pays pour en amuser les habitans ; comme ils avaient appris plusieurs idiomes, ils allaient de contrée en contrée, de village en village, gagnant leur vie à débiter des contes, des historiettes, à chanter, à déclamer des pièces de poésie, et même des discours en prose. Tout en les divertissant, ils corrigeaient le jargon de leurs grossiers auditeurs ; ils en adoucissaient la rudesse ; ils le ramenaient insensiblement à des formes meilleures ou plus euphoniques.

On doit à ces comédiens-voyageurs d’avoir répandu les fables de Locman et d’Ésope, qui sont encore aujourd’hui transmises par tradition dans presque tous les pays et dans toutes les langues de l’Orient. Les mêmes comédiens ambulants, ainsi que les rhapsodes, les poètes, les orateurs, les chefs de tribus, les législateurs, les prêtres ou les vieillards, furent les premiers régulateurs et les seuls maîtres de la langue.

De longs siècles s’écoulèrent avant qu’on eût imaginé des dignes hiéroglyphiques ou des lettres représentatives