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MONSIEUR ROLAND DE LA PLATIÈRE

chercher et de voir le beau de tous les talents ». Elle sent vivement les arts, se console avec la musique et comprend fort bien la peinture. Elle admire Watteau avec enthousiasme et, après une visite à Greuze, le juge avec plus de goût que n’en montre Diderot dans ses Salons. L’ironie éloigne et blesse les êtres jeunes et passionnés, de sorte que c’est le poète qu’elle devait aimer dans Voltaire. L’histoire ne dit pas si elle connut Chardin. Il serait curieux de savoir ce qu’elle pensait du peintre de la petite bourgeoise.


Roland, à Amiens, ne mettait guère d’empressement à correspondre. Il faut dire qu’il avait intérieurement renoncé, en voyant Manon, à un certain projet de mariage avec Henriette Cannet, sœur de Sophie. Cela mettait dans un grand embarras cet « homme vertueux » qui se demandait s’il allait être convaincu de duplicité devant les trois amies.

Lorsque au mois de mai 1776, il revint à Paris, son premier soin fut de prier Manon de ne pas le nommer dans ses lettres à Amiens. Ce n’était pas très facile. Peu auparavant, elle avait écrit :

« J’ai vu M. Roland de la Platière. Il était sérieux. J’étais rêveuse, etc. » Une certaine inquiétude s’était déjà fait jour dans l’esprit des deux sœurs.

Jusqu’où allèrent les explications de Roland à sa jeune amie ? On ne sait, mais il parvint à lui faire accepter le principe d’une dissimulation qui dut coûter beaucoup à une nature sans détours. Ce qui est certain, c’est qu’à partir de la lettre datée du 24 juin 1776, elle joue systématiquement ses amies.

Lorsque Roland venait au quai de l’Horloge, il s’attardait longuement.

Son retour avait été aussi agréable à la jeune fille qu’à lui-même. Tout de suite, il avait su lui inspirer assez de patience et de docilité pour qu’il pût à l’aise pérorer devant elle. Du reste, il ne l’ennuyait pas. Elle lui trouvait de grandes capacités et elle savait écouter, « disposition qui fait plus d’amis que les qualités les plus brillantes », remarquera-t-elle plus tard.

M. de la Platière revenait d’Allemagne et se disposait à