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LA RÉVOLUTION

dans la réalité, la réconforte parce qu’il satisfait le grand esprit de désintéressement qui rayonne en elle.

Robespierre est au premier rang de ceux qui ont fait voter l’inéligibilité. Lui aussi est content. « Les intrigants s’éloigneront, dit-il, tant mieux. La vertu modeste les remplacera ». Mme Roland se hâte d’annoncer le vote à Bancal : « C’est une excellente chose ! », dit-elle avec tout le parti dont le caractère chimérique est mis là en pleine lumière et qui, ayant bien su abattre, ne se sent pas le même entrain pour construire. Elle pense qu’« il faut des hommes nouveaux ». Maintenant, « c’est la grande affaire ». Il y a là un manque de bon sens très frappant chez cette femme dont les facultés se tenaient en si bel équilibre, dont l’esprit était très positif, très pratique, et qui ne commettait aucune faute dans l’organisation de sa vie privée.

L’utopie était dans l’air. Mme Roland la respirait et la communiquait.


L’Assemblée Législative se réunit le 1er octobre 1791 et dura jusqu’au 20 septembre 1792.

Sur 745 députés on comptait 400 avocats. La plupart, sans aucun relief, n’avaient pas trente ans.

L’Assemblée était divisée en deux : la Gironde et la Montagne.

On sait que la Montagne était l’extrême gauche. La Gironde tira son nom des jeunes députés envoyés par le département de la Gironde : Vergniaud, Gensonné, Guadet, Ducos, Fonfrède, etc. Tous avocats et pleins d’un impatient génie, marquèrent bientôt par le talent, sinon par les actes. Entre la Gironde et la Montagne, il y avait le Centre, qu’on appelait la Plaine, ou le Marais, ou le Ventre. Plus puissant et plus nombreux que les autres groupes, il faisait encore voter avec lui un certain nombre de députés hésitants. Ce sont les historiens plutôt que les contemporains qui se sont servis des termes de Gironde et de Girondins[1] pour désigner le parti

  1. M. Aulard pense que c’est Thiers et Charles Nodier qui généralisèrent le nom de Gironde pour désigner un parti auquel appartenaient des députés