Page:Clément - La Revanche des communeux.djvu/72

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acclamés par ceux-ci et honnis par ceux-là. On distribue des listes, on en jette à profusion par les fenêtres ; on dirait des nuées de pigeons voyageurs qui s’abattent exténués sur la place.

Ruisselants de sueur, brisés de fatigue, désespérés de la tournure que prennent les événements, les citoyens Vermorel, Lefrançais et leurs amis descendent de leur tribune improvisée et sont entourés par une bande de gredins qui n’hésiteraient pas à leur faire un mauvais parti si nous n’étions là, quelques-uns, pour les mettre à la raison.

Sur la place de l’Hôtel-de-Ville, l’animation est extrême : les bousculades, les imprécations de la salle s’y reproduisent. On s’y traite de mouchards ! de Prussiens ! de badingoins ! de partageux ! Les taloches pleuvent.

On discute avec passion les noms des citoyens préposés pour faire partie du Comité de défense : les hommes de 48 l’emportent.

On est mal venu à faire allusion aux journées de Juin. Il ne faut même pas souffler mot du coup d’État. Quant à Sedan, c’est déjà de l’histoire ancienne.

Les bourgeois bedonnant et transpirant, dissimulent leurs transes en se donnant des airs bon-enfant : ils sont d’une familiarité écœurante ! Ils tapent à petits coups sur les épaules des ouvriers comme s’ils caressaient les fesses de leurs chevaux ; ils leur serrent les mains en feignant l’émotion. J’en ai vu qui s’embrassaient et qui avaient des envies démesurées de s’enlever des morceaux de joue.