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CHAPITRE VII

Théophile Gautier.

Sa vie et ses œuvres. — Ses voyages. — Les Jeune France. — L’artiste. — L’art pour l’art. — L’érudit. — L’impassibilité. — Le culte de la plastique. — Une formidable facilité. — Tableaux à la plume. — Le nabab de l’épithète. — Sa fin.


Théophile Gautier[1] était de Tarbes. Bon élève du collège Charlemagne, il fit de la peinture, puis de la poésie ; Sainte-Beuve qu’il alla voir fut émerveillé par son poème la Tête de mort, et le présenta à Victor Hugo.

Hugo était alors dans toute sa gloire et tout son triomphe. Admis devant le Jupiter romantique, je ne sus même pas dire comme Henri Heine devant Gœthe « que les prunes étaient bonnes pour la soif sur le chemin d’Iéna à Weimar » ! Mais les dieux et les rois ne dédaignent pas ces effarements de timidité admirative. Ils aiment assez qu’on s’évanouisse devant eux. Hugo daigna sourire et m’adresser quelques paroles encourageantes.

Il débutait fièrement :

Je suis jeune, la pourpre en mes veines abonde, Mes cheveux sont de jais et mes regards de feu ; Et, sans gravier ni toux, ma poitrine profonde Aspire, à pleins poumons, l’air du ciel, l’air de Dieu.

Aux vents capricieux qui soufflent de Bohême Sans les compter, je jette et mes nuits et mes jours. Et, parmi les flacons, souvent l’aube au teint blême M’a surpris dénouant un masque de velours.

Il devint le Goliath du romantisme : on sait son rôle de chef de bande à la première représentation de Hernani, où il mena l’assaut avec un gilet rouge dont on parle encore :

— Ce gilet rouge, disait-il, je ne l’ai mis qu’un jour et je l’ai porté toute ma vie !

  1. 1811-1872.