Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/147

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verrez si la route de Tuduc n’est pas cent fois plus jolie… »

Fierce d’avance en est convaincu. Près du pont, la route de Tuduc n’est rien de mieux qu’un agréable chemin qui serpente parmi des rizières, entre des magnolias touffus ; mais les rizières sont plus vertes que des prairies irlandaises, et les magnolias soufflent par toutes leurs corolles de précieuses bouffées qui enivrent.

— « Nulle part ailleurs, dit Fierce, il n’existe de chemins si bien parfumés. Saïgon est une cassolette.

— Nulle part ailleurs ? questionne Mlle Sélysette. C’est vrai, vous connaissez tous les pays. Racontez-moi vos voyages… »

Fierce, docile, raconte. Il a beaucoup couru le monde ; il sait apprécier avec des yeux aigus les peuples et les paysages, et choisir entre cent détails pittoresques le plus original et le plus piquant.

Il décrit le Japon d’où il arrive. Il parle des maisons de bois blanc qui ont toujours l’air d’être neuves, et des arbres trop grands qui les enveloppent de mystérieux manteaux verts. Il dit les ponts en arcs au-dessus des torrents à sec, et les tchaïas agrestes où le voyageur ne manque jamais de trouver sa tasse de thé très chaud, son gâteau castera très tendre, et le sourire bien élevé de la servante trotte-menu. Il esquisse la silhouette du Fousi-San pointu, et les processions de pèlerins jaunes, bleus, mauves, qui bariolent sa robe de neige. — Et il oublie de nommer les yoshivaras grillés de bambous, et les mousmés candide-