Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/116

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Il souligna de l’ongle la bosse des biceps et des mollets ; les robes et les kimonos, trop tendus, se déchiraient dans la fureur des étreintes. Une tête de femme retint ses yeux. L’estampe était moderne, et l’artiste, au lieu d’imiter la beauté longue et dédaigneuse des grandes dames japonaises, ou de calquer une frimousse fraîche et pleine de simple mousmé, s’était plu à chercher une inspiration occidentale. Fierce sourit : les yeux pers, le nez relevé d’une chiquenaude évoquaient dans sa mémoire l’agréable profil de Mlle Sylva.

« Cette femme-ci, pensa-t-il, est moins jolie. Il est vrai que je n’ai pas, sur la jeune Sélysette, une documentation aussi décolletée… »

L’héroïne de l’estampe se renversait, haut troussée, dans un pré fleuri, tandis qu’un garçon en émoi se précipitait vers elle. Ce garçon trop scrupuleusement dessiné, déplut à Fierce qui tourna la page.

« Oui, dit-il encore, ces choses n’ont aucun rapport avec les indécences chinoises. Ainsi… »

Il prit un album chinois, relié de vieille soie :

… « Là ! cette fillette à quatre pattes, qui attend le bon plaisir d’un vieux mal dispos, — voilà ce qu’un Japonais ne fera jamais. Le sujet, tout d’ironie, ne le tentera pas, d’abord ; et jamais surtout, dans une gravure sensuelle, il n’imaginera cette grimace narquoise qui se moque tout ensemble du plaisir et du partenaire… »

Il chercha le célèbre Rêve d’Hokousaï.

… « Il imaginera ceci, cette impossible bagarre