Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/122

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— Vous, pas.

— Non. Je n’aime pas les choses bâtardes. Rêver, ce n’est pas un travail et ce n’est pas un repos.

— Vous êtes un homme d’action. »

Fierce souriait, et il y avait du dédain dans son sourire. Mais Malais ne sembla pas s’en apercevoir.

— « Vous aussi ! Un marin ?

— Non, dit Fierce en souriant toujours. J’ai la livrée, je n’ai pas l’âme. Je suis plus que vous ne le pensez l’ami de Raymond Mévil.

— Tant pis, » dit simplement Malais.

Mais il conserva ses façons cordiales. Fierce, tel qu’il était, lui plaisait. Il le lui dit.

« Vous valez mieux que votre ami. Vous êtes plus intelligent que lui.

— Qu’en savez-vous ?

— Je le sais. »

Il jeta sa cigarette avec une grimace de mépris pour le tabac blond, — ou pour autre chose, — et choisit un cigare de Manille. Après quoi il reprit :

« Raymond Mévil vit pour les femmes et par les femmes ; je lui reproche cela, qui est avilissant à la fois et inepte. »

Fierce dédaigna de protester. Une curiosité lui venait :

— « Au fait, dit-il, vous paraissez bien renseigné sur les belles amies de Raymond ? »

Malais rit.

— « Vous l’êtes autant que moi : vous avez, ce me semble, au moins une maîtresse commune.